Pierre Villey est né le 7 mai 1912 à Trouville-sur-Mer,
dans le Calvados. Après avoir obtenu son brevet de pilote civil,
le 27 août 1930, il devance l'appel et s'engage volontairement
le 12 décembre au titre du 2eme Groupe d'Ouvriers Aéronautiques.
Breveté militaire, il est affecté le 23 juillet 1931
à la 5eme Escadrille du 38e Régiment
d'aviation mixte de Thionville (qui deviendra la 3eme Escadrille
du GC II/38 en octobre 1932 puis 1ere
Escadrille du GC I/6 en octobre 1933). Après
avoir renouvelé son contrat, il retrouve son groupe à
Reims en octobre 1934. Désigné GC
I/42, celui-ci change de nouveau d'appelation pour devenir
GC I/4 en 1936. Lorsque le GC
II/4 se forme, le 16 mai 1939, le S/C Villey
fait partie des premiers pilotes à y être affecté.
Le 3 septembre 1939, lorsque la France déclare la guerre à
l'Allemagne, l'Adjudant Villey se trouve
à Xaffévillers, au sein de la 3eme Escadrille du GC
II/4, équipé de Curtiss H-75.
Curtiss H-75 du GC II/4
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CAMPAGNE
DE FRANCE
8
septembre
1939
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Le 8 septembre 1939, entre 15 h 00 et 16 h 00, cinq Curtiss
de la 3eme Escadrille assurent la protection d'un appareil
de reconnaissance sur Landau - Sarreguemines. Après
avoir essuyé les tirs de Flak, les Curtiss sont attaqués
par des Me 109E du I./JG 53. L'Adjudant
Villey (Curtiss H-75A-1 n°
67) se retourve seul, son équipier ayant du regagner
le terrain après avoir été touché.
Au cours de l'engagement qui le met aux prises avec 3 Me 109,
il parvient à placer des coups au but sur l'un d'entre
eux avant de dégager. Cette victoire sera attribuée
à l'Adjudant Villey
et partagée avec l'Adjudant Cruchant.
Ce dernier partage une autre victoire avec le S/C Casenobe
(Curtiss n° 89). Ce dernier, après avoir été
dépassé par les Me 109 qui les interceptent,
se lance à la poursuite de l'un d'entre eux. Il le
poursuit jusqu'à 1500 m lorsque le pilote allemand
passe sur le dos. Cette deuxième victoire sera elle-aussi
confirmée bien que seul un pilote allemand, en l'occurrence
Werner Mölders, ait été
obligé de se poser sur le ventre au retour à
Birkenfeld.
Dans le journal de marche de l'Escadrille sera noté
: "Journée de gloire du Groupe, de déception
à lEscadrille. La 3me Escadrille, plus heureuse
que nous, a la joie de rencontrer pour la première
fois des Boches et de descendre deux Messerschmidt. A la Quatre,
bien que 11 avions aient participé à des protections,
rien nest à signaler."
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30
septembre
1939
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Mission de protection de deux Mureaux en reconnaissance sur
le secteur d'Altenstadt - Schebenharft par douze appareils.
A 16 h 55, seize Me 109 des I et II./JG
53 attaquent les avions d'observation, provoquant l'intervention
des Curtiss. Le Capitaine Guieu
(Curtiss H-75 n° 93) poursuit un Me 109 jusqu'à
1000 m qui menançait l'Adj Villey
(Curtiss H-75A-1 n° 67). L'avion allemand émet
de la vapeur et de la fumée noire et sera signalé
tombant en flamme en territoire allemand par des observateurs
au sol, à Salmbach. Il pourrait s'agir de l'appareil
du Lt Schulze-Blanck, un Me 109E-3
de la 4./JG 53 endommagé à
30% qui effectue un atterrissage forcé à Karlsruhe.
De son côté, l'Adjudant Villey
abat aussi un Me 109E-3 du 5./JG 53
qui s'acrse au Sud Ouest de Weissemburg, le pilote allemand
étant tué.
Journal de marche du GC II/4 : Le Capitaine Guieu
m'avait donc passé le Commandement de la patrouille
et à 16 H 45 j'abordais les lignes entre Wissembourg
et Lauterbourg. Tout de suite repérage d'un biplace
français travaillant vers 3000 puis d'un autre longeant
d'assez bas la frontière : à part cela R.A.S.
- un soleil aveuglant dans le Sud Ouest ; enfin un vrai décor
de guet-apens - Vers 16 H 55 je repère vers Landau
quatre petits points suspects - alerte immédiate par
radio mais malheureusement mes patrouilleurs (Capitaine Guieu
et Sergent Coisneau) ne m'entendent
pas, alors que l'Adjudant-chef Cruchant
vieux diable rusé qui me protège avec Casenobe
et Carrere (beau trio) entend
et juge de suite la situation. Les 4 boches prennent de l'altitude
- Je recule dans nos lignes et me planque dans ce bon vieux
soleil, tout en continuant à protéger mes lascars
d'observateurs qui ne se doutent de rien - Tout d'abord je
crois que les Fritz m'ont vu et cherchent à me coiffer
(je rigole doucement because Cruchant,
mais pas du tout : ces 4 fous plongent et vont attaquer mon
biplace d'en bas qui se trouvait au Nord de la forêt
d'Hagenau. Profitant de l'aubaine je leur plonge au cul et
je prends à partie le dernier alors que les deux premiers
commençaient à tirer sur le biplace (l'équipage
a du faire une drôle de bouille) - Corrida avec mon
boche, alors que l'un des deux premiers Messerschmidt me tirait,
mais le patron lui saute dessus et le remet dans le droit
chemin - Après ma première rafale le pointu
fume (au sens propre) mais pas d'histoires, je l'arrose jusqu'au
moment où il s'enflamme sans espoir d'extinction. Hurlement
de joie, coup d'oeil à droite, à gauche, dessus,
dessous, devant et derrière ; tableau magique - Le
Capitaine Guieu passe à
côté de moi poursuivant son pointu qui commence
à fumer singulièrement et va se ramasser dans
les environs de Lauterbourg ; Coisneau
est là, mais pas vu la patrouille supérieure.
Peu de temps après, Carrere
me prévient radiophoniquement que Cruchant
est posé en panne à Saverne. Corrida à
l'atterrissage ; joie de tous - Même le Capitaine Guieu
a retrouvé son sourire (Il l'avait perdu lors d'une
vague histoire où il était question je crois
d'anglais) - Après vérification j'ai 1 balle
dans le plan droit qui m'a presque complètement sectionné
ma
commande d'aileron - Une belle liaison en perspective ...
pour ce soir!."
Devant cette truculence, il n'y a qu'à s'incliner.
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21
novembre
1939
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Mission de chasse libre pour 6 pilotes entre
15 h 45 et 16 h 10 : Capitaine Guieu,
Adjudant Villey (Curtiss H-75A-2
n° 186), S/C Casenobe (Curtiss
H-75 n° 189), Slt Cuny, Sgt
Saillard, Sgt Dietrich.
Les pilotes du GC II/4 rencontrent
2 Me 109 du Stab I./JG 52 qu'ils abattent
tous les deux. L'Adjudant Villey
abat l'un des deux appareils qui s'écrase à 10
km au Nord-Est de Bitche, pilote tué. Dans le même
temps les S/C Casenobe et le
Sgt Saillard se partagent la destuction
d'un autre appareil qui effectue un atterrissage forcé
près d'Edenkoben avec un appareil détruit à
80%
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Cette fois le calme est rompu... Tesseraud
est content. il était environ 4 heures 10 lorsque nous avons
tous été réveillés en fanfare : ronrons
de moteurs, sifflements d'éclatements de bombes et tirs de
D.C.A. Que se passe-t-il ? Des bombardiers ennemis, venus en deux
vagues, essaient de bouleverser notre terrain, heureusement noyé
dans le brouillard. Malgré cette protection naturelle, 50 bombes
sont tombées sur le terrain et ses abords immédiats
(d'autres sont tombées plus loin). La 3ème Escadrille
a été la plus touchées, 5 de ses avions sont
touchés, et le mess des officiers est détruit; un soldat,
un ancien qui devait être libéré ce jour même
est gravement blessé; on doit l'amputer d'une jambe.
L'Escadrille a été plus épargnée : un
seul avion a reçu un éclat, pas de blessés. Seul
le sergent Imbert qui était de
garde et qui s'était couché dans un fossé quand
les bombes tombaient a été fortement commotionné
pas une bombe qui a éclaté tout près de lui.
Enfin des renseignements : la Belgique, la Hollande et le Luxembourg
ont leur frontière violée. Plus de doute, c'est la vraie
guerre et, comme le dit Jaussaud : «
la guerre des papiers et des révérences est terminée
».
Les bombes ont eu heureusement le bon esprit de tomber à des
endroits déjà interdits aux avions : nous pouvons ainsi
décoller sans trop de difficultés et effectuer plusieurs
missions au cours de la journée. Mais hélas ! Les renseignements
arrivent mal, très dispersés, faux et incomplets. Impossible
de retrouver l'itinéraire de toutes ces expéditions
réunies et cette chère D.A.T du temps de paix en souffre.
Beaucoup de missions de couverture aujourd'hui dont aucune n'est
couronnée de succès le matin. Par contre un peu de bagarre
l'après-midi. Au cours d'une première mission, Baptizet,
Tesseraud et Jaussaud
sont attaqués par une dizaine de ME-109, mais devant cette
supériorité leur rôle n'est obligatoirement que
passif. Jaussaud est sidéré
: « ils nous grimpent sous le nez avec une facilité dérisoire
et nous ne sommes qu'à 5.500 mètres » dit-il.
Bagarre sans résultat et sans dommage pour personne, seul l'avion
de Tesseraud a reçu une balle
dans le plan droit.
16 mai 1940
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Journal de marche :
Toujours aussi peu davions disponibles : six à
lEscadrille. Cest maigre ! Et les pilotes sarrachent
les places. Ca donne un peu plus de travail au commandant
dEscadrille qui, pour donner lexemple, nhésite
pas à se sacrifier et à rester au sol abandonnant
ses chères habitudes demmener tout le monde avec,
au dessus de lui, son fidèle Baptizet.
Les déshérités, ceux qui ne volent pas,
restent à errer comme des âmes en peine autour
du cantonnement. Certains, plus philosophes, essaient de taquiner
le goujon dans la canal de la Marne.
Une protection sur le secteur Reims-Vernier-Neufchatel. Elle
est emmenée par le Sous-Lieutenant Plubeau
et groupe lAdjudant Tesseraud
le Sergent chef Jaussaud, le
Sous-Lieutenant Baptizet,
le Capitaine Engler et le C/C.
Puda.
Cest la 3 qui emmène tout le dispositif avec
deux patrouilles. Lensemble parait homogène et
sur le secteur à laltitude de 5.500 mètres,
tout est bien calme au début. Mais tout à coup
vers 14 h.40 sont aperçus des éclatements de
D.C.A. à une distance très respectueuse dune
trentaine de bombardiers en plusieurs pelotons : tout le monde
file dessus. LAdjudant Villey
chef de la patrouille-guide, attaque plein travers, peut-être
un peu prématurément. Le peloton se disloque
: il sensuit une bagarre générale au cours
de laquelle les bombardiers paraissent très maniables.
Puda
poursuit un Do 17 jusquau sol où il sécrase
à Berry-au-Bac. Le capitaine Engler
est déchaîné : il tire partout, touche
gravement un Ju 86 (En fait Do 17Z du KG
2) qui ne rentrera probablement jamais chez lui. Mais
toute cette bagarre est bien confuse, dautant plus quà
la fin arrivent quelques Me 110. Au retour, Plubeau
et Jaussaud ont ramené
quelques balles sans importance. Le brave Jaussaud
est mécontent de sa journée :
« Si les attaques avaient eu lieu en groupe plus
compacts, si personne ne recherchait la victoire personnelle,
le palmarès eut été plus riche »
dit-il.
Alors que les avions sont à peine posés, on
voit un incendie formidable se déclencher à
Vitry-le-François. Les bombardiers boches sont passés
par là. La ville flambe sans que nous ayons rien pu
faire. En fin de soirée, le lieutenant Hlobil,
part à Auxerre. Il emmène lavion du Commandant
Borne qui a été
gravement touché hier, à la station-service
Curtiss.
De leur côté, le S/C Casenobe
(H-75 n° 189) et le Commandant Rozanoff
abattent eux aussi un Do 17 qu'ils prennent pour un Ju 86
qui va s'écraser dans les bois entre Fismes et Reims
puis Casenobe abat seul un Me 110C du 8./ZG 26 (codé
3U+FW) à Pévy. L'équipage est tué.
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Adjudant Villey S/C
Casenobe Sergent Dietrich
25 mai 1940
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Mission de protection d'un Potez 63 de reconnaissance
dans le secteur de Berry-au-Bac / Rethel / Attigny. La mission
mobilise 17 Curtiss qui décollent à 10 h 15. Alors
que la mission touche à sa fin, 5 Me 109 du I./JG
53 lancent une attaque éclair, rapidement
pris en chasse par les Curtiss. Plus rapide que les autres,
l'Adjudant Villey se place en
tête, rattrape l'un des Me 109 et commence à tirer
alors qu'il ne se trouve plus qu'à 50 mètres derrière
lui. Il touche le Messerschmitt qui parvient cependant à
le distancer tout en dégageant de la fumée. A
ce moment là, le Sergent Dietrich
qui arrive encore plus vite, percute l'arrière du Curtiss
de Villey (H-75A-3 n° 200),
le coupant en deux. Il parvient à sauter en parachute
mais celui-ci ne s'ouvre qu'à 50 mètres du sol
et ne ralenti pas suffisamment la chute. Il s'écrase
à Cauroy, à 18 km à l'Ouest de Vouziers.
Il semblerait que le Sergent Dietrich
qui avait été préalablement touché
en combat était mortellement blessé au moment
de l'impact et qu'il n'avait plus le contrôle de son appareil
désemparé.
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Entre le 10 et le 25 mai 1940, l'Adjudant Villey
avait accompli 12 missions de guerre et totalisé 90 heures
de vol de guerre depuis septembre 1939. Titulaire de la Croix de guerre
avec 4 Palmes et 1 étoile d'Argent, il recevra la Médaille
Militaire à titre posthume le 29 septembre 1941. Au cours de
sa carrière, il avait accumulé 1400 heures de vol.
NB : L'unité tactique de l'escadrille est la patrouille, laquelle
peut-être organisée comme suit :
- Patrouille simple : 3 avions.
- Patrouille légère : 2 avions.
- Patrouille double : 6 avions (2 patrouilles simples).
- Patrouille double légère : 4 avions (2 patrouilles
légères).
- Patrouille triple : 9 avions (3 patrouilles simples).
- Patrouille triple légère : 6 avions (3 patrouilles
légères).
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