Marie Emile Leblanc est né
le 24 mars 1907 à Jussy-Champagne, dans le Cher. En 1927, il
effectue son service militaire et s'engage dans l'Armée au
terme de celui-ci. Brigadier puis Maréchal des Logis au 8eme
Régiment de Chasseurs, il entre dans l'Aviation en octobre
1930 et affecté au 37e Régiment
d'Aviation d'Observation basé à Rabat, au Maroc.
Lors de la création de l'école des sous-officiers, il
fait partie des premiers candidats admis et rejoint en 1932 l'école
d'Istres dont il ressort breveté pilote en juillet 1933. Lorsque
la France déclare la guerre à l'Allemagne, le 3 septembre
1939, l'Adjudant-Chef Leblanc est
membre de la 6eme Escadrille du GC III/3,
Groupe constitué en mai 1939 et qui vole sur MS 406. Pendant
les 6 premiers mois de la guerre, le Groupe est chargé d'assurer
la protection des appareils de reconnaissance, ne perdant aucun des
appareils placé sous sa responsabilité. Seules 3 croix
de guerre seront attribuées (dont 1 pour Leblanc)
le 1 mai pour cette activité n'ayant permis de remporter aucune
victoire mais au combien précieuse pour les équipages
des appareils d'observation très exposés par ailleurs.
CAMPAGNE
DE FRANCE
Le 11 mai 1940, suite à l'offensive allemande à l'ouest
et au déclenchement de la manoeuvre " Dyle-Breda ",
le groupe est scindé en deux. Alors que la 5e Escadrille a
rejoint dès le 10 Norrent-Fontes, renforçant le GC
III/1 la 6e, avec l'état-major et deux pilotes de la 5e
restés à la traîne (soit dix-sept pilotes), se
déplace de Beauvais à Maubeuge en renfort du GC
II/6. Entre 18 h 07 et 19 h 35 le détachement participe
à sa première mission sur le nouveau secteur, une protection
de bombardiers LeO 451 des GB I/12 et
GB II/12 devant intervenir sur Maastricht.
Une trentaine de Bf 109 E du I./JG 1 attaque
les bimoteurs français mais les Morane des GC
III/3 et GC II/6 interviennent et sont
très vite engagés dans une succession de combats individuels
comme le relate l'Adjudant-Chef Leblanc
: " (...) De 18.45 à 19.l0 j'ai toujours été
accroché par un, deux ou trois Messerschmitt, ce qui fait que
j'ai exécuté cinq combats différents. Je n'ai
éprouvé aucune difficulté à me placer
derrière, mais je n'ai pu placer qu'une rafale sur chacun des
trois premiers, car aussitôt en position de tir, ils dégageaient
en piqué jusgu'au sol et chandelles ; je ne pouvais pas les
suivre. Le quatrième, même manoeuvre ; je l'ai suivi
de 1.500 mètres à cent mètres en tirant cinq
à six rafales, ce Messerschmitt 109 était en feu, il
dégageait feu et fumée, il a disparu derrière
un bouquet d'arbres, vraisemblablement écrasé au sol.
Me trouvant attaqué par deux Messerschmitt, je n'ai pu voir
la fin (...). " Aucune victoire, même probable, ne
lui sera accordé [Un Me 109E-3 du I./JG
1 est pourtant endommagé à 70%].
Le 13 mai 1940. Couverture Tirlemont - Namur, 5 h 30 - 6 h 45, une
patrouille triple (six MS 406 du GC III/3
et trois du GC II/6). La patrouille guide
attaque un Hs 126, mais de nombreux Bf 109 et Bf 110 interviennent
; Leblanc reçoit un obus dans
l'aile droite de son Morane n° 767 qui commence à brûler.
ll se pose en campagne près de Namur où l'avion finit
de se consumer. Le pilote rentre le soir à Maubeuge en compagnie
de l'adjudant Marias qui s'est posé,
également touché, à deux cents mètres
de lui.

15 mai 1940
 
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Couverture aux coups au nord-ouest de Namur, trois pilotes
du GC III/3 et six du GC
II/6, 4 h 30 - 5 h 30. À I'issue de cette mission
un Dornier l7 " sûr " et un " probable
" seront accordés à Leblanc,
tous deux partagés avec le Sous-Lieutenant Bévillard
et le Sergent Gouzi. Ce dernier
en a fait un récit déjà publié
dans l'ouvrage de LELA Presse consacré au Morane-Saulnier
406, et que nous résumerons ici. En panne de radio,
Leblanc signale par manoeuvres
et gestes un bombardier identifié comme un " Dornier
l7 " se dirigeant vers Bruxelles, soit d'est en ouest.
Il fait prendre une direction est à sa patrouille,
en prenant de l'altitude jusqu'à 6 000 m, de façon
à se placer entre le soleil et le bimoteur. Puis il
attaque en piqué, redressant au dernier moment pour
tirer à l'horizontale, abrité derrière
une des deux dérives du Dornier. Ses deux équipiers
font de même mais le Sergent Gouzi,
plein axe, et donc non protégé, est pris pour
cible par le mitrailleur dorsal, qu'il neutralise à
bout portant, touchant peut-être aussi le pilote. Le
Dornier cabre mais les trois Français font une deuxième
passe, par dessus, déclenchant des fumées, puis
une abattée, et enfin un piqué du bimoteur.
Les Morane le suivent en piquant à la verticale, craignant
qu'il ne redresse au ras du sol et s'enfuie, mais trois parachutes
s'ouvrent et le Dornier [eb fait un He 111P du I./KG
54 - 4 prisonniers] s'écrase au sud-ouest de
la forêt de Soignies. Au retour ils attaquent un second
Dornier [Là encore un He 111 du 3./KG
54 endommagé - 2 blessés] dont un moteur
fume et qui perd de l'altitude vers le nord-est de Charleroi,
mais qu'ils doivent abandonner, à court de munitions.
Gouzi a écrit en parlant
de son chef de patrouille '. " ... Mais Leblanc
est là, vieux routier de l'air. J'ai une confiance
absolue en lui. ll nous rassemble, et la patrouille, plan
dans plan rentre en rase-mottes à Maubeuge... Leblanc
vient vers moi le sourire aux lèvres me disant : "
c'est toi qui l'a descendu". Quoi de mieux pour donner
confiance à un jeune sans aucune expérience
mais qui en veut ? "
En milieu de journée le GC II/6
et la 6e escadrille du GC III/3,
cette dernière avec seulement six avions, se replient
sur Vertain. Le lendemain ce terrain subit un violent bombardement
qui détruit de nombreux Morane, dont quatre du GC
III/3. Le 17, la 6e escadrille rejoint Beauvais avec deux
avions sur les quatorze partis le 11 ! À partir du
17 mai le GC III/3 recevra de nombreux
Morane de renfort, soit reversés par le GC
II/3 qui perçoit des Dewoitine 520, soit venus
des écoles et dans un si triste état qu'ils
ne peuvent être opérationnels dans l'immédiat.
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18 mai 1940

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Le groupe effectue deux missions dans la
journée, une sur Noyon - La Fère, la seconde sur
Saint-Quentin. Un Henschel 126 du 2.(H)/13
est homologué à l'Adjudant-Chef Leblanc
seul, mais nous n'avons retrouvé aucun détail
sur cette victoire.
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D 520 du GC III/3 - Juin
1940
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19 mai 1940
 
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Destruction Le Cateau - Guise, une patrouille
triple, 5 h 30 - 7 h 15. A l'arrivée sur Le Quesnoy,
Le Nigen voit rn Hs 126, se
détache de sa patrouille et I'abat seul à 05h35.
Cinq mirutes plus tard, le dispositif rencontre un second Henschel
[Ce Hs 126 de la I.(H)/11 sera achevé près de
Naves (deux tués) par quatre Hurricane du Squadron
87 de la RAF (F/O R. L. Glyde,
F/O D. H. Ward, F/O J.
H. L. Allen et P/O J. R. Cock).],
tiré et abattu par dix pilotes : (Cpt) Duval
Roger (Sgt) Hurtin Jean
(Sgt) Gouzy (Lt) Clostres
(Lt) Cizek Eugène

(Slt) Bevillard Louis (Slt)
Kruml Thomas 
(A/C) Leblanc Marie-Emile (Sgt)
Stehlik Josef 
(Sgt) Le Niguen Edouard
qui a très vite laissé ses équipiers car
à court de munitions. Le journal de marche est très
critique sur la fin de la mission : " Mauvais travail,
tout le monde s'enchevêtre au retour."
Couverture du terrain, une patrouille légère,
9 h 50 - 11 h 00. Les pilotes attaquent un peloton de six Do
l7 du II./KG 3, Leblanc
en abattant un à six kilomètres d'Estrées-Saint-Denis
[Do 17Z du 6./KG 3 - 2 tués,
2 prisonniers]. Son Morane criblé de balles, la plupart
dans le moteur, il est obligé de se poser près
de sa victime, sans doute pas le meilleur voisinage après
un combat aérien... ll revient le lendemain avec deux
prises de guerre tirées du Dornier : une montre et un
calot.
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Fin mai la 6e escadrille reste seule à Cormeilles-en-Vexin,
nouvelle base du GC III/3, pendant que la
5e se transforme sur Dewoitine 520 à Toulouse. Le 3 juin, la
6e convoie les quatorze derniers Morane 406 à Toulouse pour
percevoir à son tour les D 520. Peinture des chiffres, le 7
juin, réglage des armes à Cazaux du l0 au 12, quelques
pilotes seulement transformés sur D 520 peuvent rejoindre la
5e escadrille jusqu'au 13 juin. Ce jour-là ainsi que le lendemain,
neuf pilotes sur les douze prévus rejoignent effectivement
le groupe à Avord. l'Adjudant-Chef Leblanc
est resté avec trois autres à Toulouse. ll part le 15,
perd ses équipiers et revient à son point de départ.
Comme ils n'y sont pas, il rejoint le groupe dans la journée,
seul. Ses trois équipiers arrivent enfin au Grand-Malleray
le lendemain, iuste au moment où le GC
III/3 décolle pour Perpignan en vue de passer en Afrique
du Nord.

16 juin 1940
 
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Destruction Auxerre - Joigny, 13 h 00 - 15
h 00 une patrouille triple (les sept D 520 disponibles). En
fin de mission, un Henschel 126 du 4.(H)/21
[tombé près de Lucy-sur-Yonne (équipage
indemne).] est abattu dans la région d'Auxerre et s'écrase
dans des pommiers. Il est homologué aux Capitaine Duval,
Lieutenant de Chezelles, Adjudant-Chef
Leblanc, Adjudant Kunzel,
Sergents Hurtin, Le
Nigen et Keprt.
La Flak tire sur les Dewoitine alors qu'ils pensaient survoler
une région pas encore occupée par l'ennemi, mais
en arrivant sur Auxerre, de Chezelles
et Le Nigen constatent que
le terrain est occupé par des avions allemands. Pendant
que le Lieutenant prévient les autres pilotes, Le
Nigen fait demi-tour et commence un mitraillage en règle
du terrain, vite imité par les quatre autres pilotes
encore présents. Bilan : quatre " Hs 126 , incendiés
au sol et un abattu aussitôt après qu'il ait décollé
[Il s'agit en fait d'un Ju 87B-1 d'une des unités rattachées
au VIII. Fliegerkorps (un blessé).], homologué
à Duval, de
Chezelles, Leblanc,
Hurtin et Le Nigen.
En rentrant les pilotes rencontrent une colonne motorisée
sur laquelle ils épuisent leurs dernières munitions.
La citation décernée à Le
Nigen pour cette action lui accorde la Médaille Militaire.
Devant ces succès tous brûlent d'envie de repartir
pour une mission analogue, mais l'ordre arrive de faire mouvement
sur Perpignan en vue de gagner l'Afrique du Nord, ordre exécuté
le soir même.
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Le GC III/3 traverse la Méditerranée
en plusieurs proupes, Leblanc arrivant pour sa part sur le sol algérien
le 19 juin. Le 15 juillet 1940, l'A/C Leblanc
reçoit la Médaille Militaire. Son groupe ayant été
dissous le 26 août 1940, il est transféré au GC
II/3 avec lequel il participe à la Campagne de Syrie en
juin et juillet 1941. Il revendique à cette occasion sa septième
victoire contre un Hurricane du Squadron
127. Après le débarquement anglo-américain
de novembre 1942, l'opération "Torch",
il rejoint le camp des alliés et continue à servir avec
son unité, toujours équipée de D 520 jusqu'en
octobre 1943. A cette date, le Groupe passe sur Hurricane IIC et entame
les opérations avec le Coastal Command depuis Taher. Le Groupe
est rabaptisé GC 2/3 "Dauphiné".
Le 28 janvier 1944, lors d'un exercice aérien, le Sous-Lieutenant
Leblanc est tué sur le coup en percutant un P-39 du GC
I/4 "Navarre".
NB : L'unité tactique de l'escadrille est la patrouille, laquelle
peut-être organisée comme suit :
- Patrouille simple : 3 avions.
- Patrouille légère : 2 avions.
- Patrouille double : 6 avions (2 patrouilles simples).
- Patrouille double légère : 4 avions (2 patrouilles
légères).
- Patrouille triple : 9 avions (3 patrouilles simples).
- Patrouille triple légère : 6 avions (3 patrouilles
légères).
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