Edouard Le Nigen est né
le 4 septembre 1916 à Boruges, dans le Cher. Engagé
volontaire pour une période de 3 ans le 24 août 1935,
il obtient son brevet à l'école d'Ambérieu en
1936. Il est successivement affecté sur les bases aériennes
de Châteauroux (mais 1936), puis Dijon (Janvier 1937). Réengagé
en juin 1938, il rejoint le 1er mai 1939 le GC
III/3 qui est en cours de formation à Salon-de-Provence
et qui vole sur MS 406. Arrivé en fin de contrat, le Sergent
Le Nigen est rendu à la vie
civile deux semaines seulement avant l'entrée en guerre de
la France. Il est aussitôt mobilisé et rejoint la 5eme
Escadrille du GC III/3.
CAMPAGNE
DE FRANCE
Le 6 novembre 1939, une patrouille double de la 5eme Escadrille effectue
une mission de destruction, avec des pointes au-dessus du territoire
ennemi. Les deux patrouilles élémentaires sont assez
vite séparées, et pendant que l'une fait face à
neuf Bf 109, l'autre, poursuivant un avion allemand, se retrouve sur
Landau. Pris à partie par la Flak, les trois pilotes : Capitaine
Corniglion-Molinier, Lieutenant
Trouillard, Sergent Le
Nigen, piquent et mitraillent un convoi, semant le désordre.
Après avoir échappé à des Messerschmitt
supérieurs en nombre, les pilotes du GC
III/3 se posent indemnes à Nancy. Le
Nigen abîme une des ailes de son Morane dans un phare du
terrain mais cette mission agitée lui vaudra sa première
citation, arrivée... le ler mai 1940.
Le 2 mars 1940, protection de reconnaissance sur le secteur Deux-Ponts
- Sarrebrùck, une patrouille triple de la 5eme Escadrille et
une double de la 6eme. Malgré les instructions données
avant le départ, le Potez 63 à protéger vole
trop vite pour les Morane ; certains chefs de patrouille attendent
leurs équipiers distancés et le dispositif initial s'en
trouve très étiré. Le
Nigen identifie à 15 h 10 quinze Bf 109 au comportement
plutôt agressif sur sa droite, et quatre autres l'attaquent
franchement sur sa gauche. Résultat : il reçoit un obus
en bout d'aile et va se poser à Nancy, pendant que ses deux
équipiers mettent en fuite les Bf 109.
Le 10 mai 1940 les Allemands lancent leur offensive à l'ouest.
Le GC III/3, basé à Beauvais,
sera dissocié dès le premier jour : à 16 h 30
dix pilotes de la 5eme Escadrille rejoignent Norrent-Fontes, en renfort
du GC III/1 qui doit opérer au-dessus
de la Belgique et des Pays-Bas.

11 mai 1940

|
Couverture du pont transbordeur de Hooge-Swalme,
une patrouille triple (cinq pilotes du GC
III/3 et trois du GC III/1), décollage
16 h 30. Le plafond contraint les pilotes à voler à
2 000 m quand par un trou dans les nuages, Le
Nigen voit un Heinkel 111 seul, au-dessus. Il le signale
et l'attaque sans attendre les ordres. Suivi de tous les Morane,
il prend en chasse le He 111 qui descend en rase-mottes. Au
bout de trente-cinq kilomètres de poursuite, Le
Nigen tire plein arrière à 100 mètres
le Heinkel, dont le mitrailleur tire et touche un autre Morane.
Après encore quinze kilomètres de poursuite Le
Nigen dégage brutalement près de Maldeghem,
munitions épuisées, laissant le Heinkel avec un
moteur en feu. Cette victoire homologuée à Le
Nigen seul lui vaudra sa 2eme citation, à l'ordre
de I'Armée Aérienne.
|

12 mai 1940
 
|
Le GC III/1 et
la 5eme Escadrille du GC III/3 font
mouvement à l'aube sur le terrain sablonneux de Moerbeke.
Le Nigen casse une roue de son Morane à l'atterrissage.
Le soir les deux unités gagnent Maldeghem, en Hollande,
décollage 19 h 30. Les sept pilotes de la 5e Escadrille
: Capitaine Trouillard, Lieutenant
Morin, Sous-Lieutenant Sauvage,
Adjudant-Chef Jeanneaud, Sergent-Chef
Stehlik, Sergents Rebillat
et Le Nigen, doivent au passage
couvrir des mouvements de troupes vers Dordrecht, notamment
les ponts de Moerdijk. Sur un peloton de trois Heinkel 111 du
3./KGr 126 rencontré, un
s'échappe dans les nuages, les deux autres explosent
en l'air à Woeus-Dré [Le premier de ces appareils
s'écrase près de Beveland (trois tués et
un blessé prisonnier) ; le second, codé "IT
+ EL", tombe à Woensdrecht (deux tués, deux
blessés prisonniers).], chacun sous les coups des sept
pilotes de Morane.
|

13 mai 1940

|
Couverture de Rosendael, 9 h 30 - 10 h 00, une patrouille
triple légère. Le journal de marche a décrit
les circonstances de la mission : "Il fait très
mauvais temps, il faut sauter les cheminées du côté
d'Anvers, tellement le plafond est bas. Au bout de 30 minutes,
nous apercevons un groupe de 9 He 111 tirés par la
D.C.A. : fort joli feu d'artifice. Les Heinkel nous échappent,
mais Rebillat réussit
à en descendre un... Une heure après, environ
18 Me. 109 se présentent devant nous au ras du plafond.
Le Capitaine Trouillard pique
en rase-mottes avec ses patrouilles pour ne pas se faire repérer
et va prendre les Me par l'arrière et en-dessous. Tous
les Moranes à son signal d'attaque bondissent comme
des ressorts, sortant littéralement de terre, réalisant
ainsi la surprise totale. c 'est la débandade générale
chez les Fritz qui ne savent pas trop à qui ils ont
à faire et se dérobent dans les nuages. Quelques
uns font face... Le Nigen
en abat un qui explose au sol vu par le Sous-Lieutenant Sauvage..
- Capitaine rassemble : Le Nigen,
Jeanneaud et Rebillat
le suivent. ll fait alors face, avec sa patrouille à
des Me. descendant des nuages. Dislocation de la patrouille,
on ne reverra plus le Capitaine... " Au cours de
ce second combat, le Capitaine Trouillard
et Le Nigen touchent un Messerschmitt
qui leur est accordé "probable", les six
Français étant crédité au total
de cinq victoires sûres et une probable Pour cette mission
[Les chasseurs français ont vraisemblablement affronté
le I./JG 26, qui revendique une victoire
sur un Morane mais déplore la perte d'au moins deux
appareils (un tué et un blessé prisonnier)].
L'escadrille rejoint Norrent-Fontes le soir du 13 et Beauvais
le lendemain ; elle n'a plus que six avions sur les dix partis
le 10 mai. A partir du 17, le groupe à nouveau réuni
reconstitue son potentiel avec des Morane 406 reversés
par le GC II/3 (qui se rééquipe
en Dewoitine :20) ou venus avec des pilotes de renfort du
Centre d'lnstruction à la 3hasse de Chartres.
|

D 520 du GC III/3 - Juin
1940
|
19 mai 1940
 

|
Destruction Le Cateau - Guise, une patrouille triple, 5 h
30 - 7 h 15. A l'arrivée sur Le Quesnoy, Le
Nigen voit rn Hs 126, se détache de sa patrouille
et I'abat seul à 05h35. Cinq mirutes plus tard, le
dispositif rencontre un second Henschel [Ce Hs 126 de la I.(H)/11
sera achevé près de Naves (deux tués)
par quatre Hurricane du Squadron
87 de la RAF (F/O R. L. Glyde,
F/O D. H. Ward, F/O J.
H. L. Allen et P/O J. R. Cock).],
tiré et abattu par dix pilotes : (Cpt) Duval
Roger (Sgt) Hurtin Jean
(Sgt) Gouzy (Lt) Clostres
(Lt) Cizek Eugène
(Slt) Bevillard Louis
(Slt) Kruml Thomas
(A/C) Leblanc Marie-Emile (Sgt)
Stehlik Josef
(Sgt) Le Niguen Edouard
qui a très vite laissé ses équipiers
car à court de munitions. Le journal de marche est
très critique sur la fin de la mission : " Mauvais
travail, tout le monde s'enchevêtre au retour."
Couverture du secteur Cambrai - Le Quesnoy - Le Cateau, une
patrouille triple, 10 h 55 - 12 h 40. Après un premier
combat qui permet d'abattre un Dornier 17, quatre pilotes
se rassemblent mais sont attaqués au retour par des
Bf 109 E du II./JG 2 qui dégagent
en rase-mottes. L'Adjudant-Chef René
Roger n'a pu tirer un " 109 ", bien qu'idéalement
placé dans sa queue, à cause d'un armement complètement
déréglé. Le
Nigen s'aligne à son tour derrière le Messerschmitt
et l'abat au sud-est de Ath. Cette victoire est partagée
entre les deux Français et le Sergent tchèque
Bedrich Kratkoruki [Ce
groupe, également engagé par des Hurricane britanniques,
perd les Bf 109E " 2 blanc " et " 5 blanc "
dans les secteurs respectifs de Courtrai et Tournai (pilotes
blessés prisonniers).].
|

20 mai 1940
 

|
Couverture Péronne - Cambrai - Le Cateau, 10 h 20-
11 h 45, une patrouille triple associée à une
patrouille triple du GC III/2 (stationné
également à Beauvais). Le dispositif rencontre
quinze Heinkel 111 venant de l'est, aussitôt attaqués.
Un ailier droit et un gauche partent chacun de leur côté,
pris à partie par plusieurs Morane. Celui de gauche,
tiré par le Sous-Lieutenant Sauvage
, l'Adjudant Marias, les Sergents
Bedrich Kratkoruki et
Le Nigen va s'écraser
sur une maison de Monchy-Lagache, après que son équipage
l'ait évacué en parachute [He 111P "AI
+ EH" duI./KG 53 tombé
à Beauvois-en-Vermandois (cinq prisonniers).]. Tournant
autour des parachutistes, deux pilotes, dont Le
Nigen, ont leurs avions touchés par des tirs venant
du sol et l'un d'eux doit se poser en campagne avant de rejoindre
Beauvais.
17 h 50 : Environ trente Heinkel 111 et Messerschmitt 110
se dirigent sur Beauvais, motivant le décollage sur
alerte de douze pilotes du GC III/3.
Seul parmi une dizaine de Bf 110 du III./ZG
26, Le Nigen engage le
combat, en abat un en flammes [Bf 110C du 9./ZG
26 tombé entre Beauvais et Luchy (deux prisonniers
dont un blessé).], puis un second. En fait ce Bf 110
avait été tiré plein arrière par
le Sergent-Chef Jeanneaud, puis
par les Sergents Caseneuve
et Békarian ; Le
Nigen arrivé ensuite lui avait adressé la
rafale fatale, et la victoire sera partâgée entre
les quatre [7 : Bf I l0 CdelaT.lTG 26 posé en catastrophe
près de Sedan (pilote décédé de
ses blessures).]. Finalement les Bf 110 descendent le sergent
qui rentre indemne au groupe en annonçant, outré
: "Ces cochons de bombardiers sont des lions... ils
ont eu le culot de m'attaquer... affolé au milieu de
tous ces bolides je me suis débattu comme un diable
et ai réussi à en descendre deux !... "
Comme le dit le journal de marche de l'escadrille, "
il avait pris les 110 pour des Do I 7 ! ". Ce
fait d'armes lui vaut sa sixième citation qui précise
" (...) 8 victoires officielles en 9 jours "
Les services officiels n'arrivent pas à suivre le rythme
de ses victoires ! Le soir le GC III/3
évacue Beauvais pour le terrain de Cormeilles-en-Vexin.
|
Le 25 mai la 5eme Escadrille se rend à Toulouse pour se transformer
sur Dewoitine 520. Le GC III/3 sera le seul
groupe à procéder ainsi, laissant une escadrille au
front. Constamtnent scindé en deux, son efficacité s'en
ressentira. Le 30 mai Le Nigen et
le Capitaine Rousseau-Dumarcet se rendent
à Toulouse percevoir à leur tour des D 520. La 5eme
Escadrille équipée en Dewoitine rentre le 2 juin à
Cormeilles.
Le 5 juin 1940, décollage sur alerte, 14 h 45, quatre D 520.
Le Nigen attaque un Do 17, sans se
rendre compte qu'il est la cible de deux Bf 110. Le Lieutenant Morin
le dégage mais le Dewoitine du Sergent est sérieusement
endommagé et lui-même légèrement blessé
par des éclats de plexiglas.

16 juin 1940
 
|
Destruction Auxerre - Joigny, 13 h 00 - 15
h 00 une patrouille triple (les sept D 520 disponibles). En
fin de mission, un Henschel 126 du 4.(H)/21
[tombé près de Lucy-sur-Yonne (équipage
indemne).] est abattu dans la région d'Auxerre et s'écrase
dans des pommiers. Il est homologué aux Capitaine Duval,
Lieutenant de Chezelles, Adjudant-Chef
Leblanc, Adjudant Kunzel,
Sergents Hurtin, Le
Nigen et Keprt.
La Flak tire sur les Dewoitine alors qu'ils pensaient survoler
une région pas encore occupée par l'ennemi, mais
en arrivant sur Auxerre, de Chezelles
et Le Nigen constatent que
le terrain est occupé par des avions allemands. Pendant
que le Lieutenant prévient les autres pilotes, Le
Nigen fait demi-tour et commence un mitraillage en règle
du terrain, vite imité par les quatre autres pilotes
encore présents. Bilan : quatre " Hs 126 , incendiés
au sol et un abattu aussitôt après qu'il ait décollé
[Il s'agit en fait d'un Ju 87B-1 d'une des unités rattachées
au VIII. Fliegerkorps (un blessé).], homologué
à Duval, de
Chezelles, Leblanc,
Hurtin et Le Nigen.
En rentrant les pilotes rencontrent une colonne motorisée
sur laquelle ils épuisent leurs dernières munitions.
La citation décernée à Le
Nigen pour cette action lui accorde la Médaille Militaire.
Devant ces succès tous brûlent d'envie de repartir
pour une mission analogue, mais l'ordre arrive de faire mouvement
sur Perpignan en vue de gagner l'Afrique du Nord, ordre exécuté
le soir même.
|
Le Nigen traverse la Méditerranée
le 20 juin avec 6 autres pilotes qui avaient du faire demi-tour la
veille. Suite à une erreur de navigation du bombardier guide,
ils atterrissent à Bône, en Algérie et rejoignent
le reste du Groupe le 22 à Relizane.
Hospitalisé à Fès pour une ablation de l'appendice
qui se tranforme en péritonite, Le
Nigen décède le 25 juillet 1940 alors qu'il vient
juste d'être promu Sous-Lieutenant.

NB : L'unité tactique de l'escadrille est la patrouille, laquelle
peut-être organisée comme suit :
- Patrouille simple : 3 avions.
- Patrouille légère : 2 avions.
- Patrouille double : 6 avions (2 patrouilles simples).
- Patrouille double légère : 4 avions (2 patrouilles
légères).
- Patrouille triple : 9 avions (3 patrouilles simples).
- Patrouille triple légère : 6 avions (3 patrouilles
légères).
|