Texte Original : http://www.ordredelaliberation.fr/fr_compagnon/234.html
Edouard Corniglion-Molinier est né le 23 janvier
1898 à Nice. Il fait de brillantes études au lycée
de Nice où son père est notaire. Lorsque la première
guerre mondiale éclate, il est étudiant en droit. Mais
le notariat ne semble pas l'enthousiasmer et, dès l'âge
de 17 ans, il ne pense plus qu'à s'engager. L'aviation le tente
car il est un fidèle de l'aérodrome où il a souvent
volé avec les pionniers de l'époque : Latham, Chavez,
Legagneux, Garros. Mais on n'entre pas directement dans l'aéronautique.
Il s'engage donc dans les chasseurs alpins, passe au 5e Dragons à
Saumur le 6 octobre 1915 et un mois plus tard il demande sa mutation
pour l'Aéronautique.Admis, il est envoyé à l'école
de pilotage d'Ambérieu où il obtient son brevet de pilote
le 27 avril 1916.
Après des stages de perfectionnement à
Avord et à Pau, le brigadier Corniglion-Molinier est envoyé
à l'Escadrille 392 en Italie où
il arrive le 17 octobre 1916. Une semaine plus tard, il patrouille sur
l'Adriatique, attaque trois avions, en met deux en fuite et, prenant
le troisième en chasse, force ce dernier à piquer, désemparé,
après avoir mis l'observateur hors de combat. De Venise, où
l'Escadrille 392 se transforme en Escadrille
561 en juin 1917, il continue à accomplir avec son ardeur
coutumière des missions de reconnaissance et d'observation sur
les lignes ennemies, dans les régions de Trieste et de Fiume,
des attaques d'avions, de Drachen, et de bateaux autrichiens dans le
Golfe, attaques qui lui valent le grade de maréchal des logis.
Blessé en avion, mais légèrement, il est, en revanche,
évacué avec une grave crise de paludisme de décembre
1917 à février 1918. A sa sortie d'hôpital il repart
pour l'Italie rejoindre l'Escadrille 561
avant d'être affecté à la SPA
162 en France fin juin 1918.
La guerre terminée, Edouard Corniglion-Molinier, démobilisé
avec le grade de sous-lieutenant, reprend le cours de ses études
et, répondant au désir de son père qui souhaite
le voir lui succéder dans son étude de notaire, il passe
à Paris le doctorat en droit auquel, par goût intellectuel,
il ajoute une licence de lettres. Mais tout ce qui touche à l'aviation
continue toujours à le passionner. Il exerce alors son activité
dans de plus grands espaces que les aérodromes de Châteauroux
et de Dijon où il s'entraînait régulièrement.
Ce sont les grands voyages avec Malraux à la recherche des cités
disparues dans les déserts du Moyen-Orient, les voyages en Afrique
avec Jim Mollison, le grand pilote britannique. Dans le même temps,
il est entré comme reporter dans un grand journal parisien du
soir.
En 1936, il participe à la guerre d'Espagne où il vole
à nouveau dans les ciels de bataille, toujours en compagnie d'André
Malraux.
Edouard Corniglion-Molinier - qui a racheté en 1927 les studios
de la Victorine à Nice - est également producteur de cinéma
dans des réalisations importantes comme Drôle de Drame
de Marcel Carné où l'Espoir, d'après l'uvre
d'André Malraux, présenté au public en 1939 sous
le nom de Sierra de Teruel (Prix Louis Delluc 1945).
Ainsi passe l'entre-deux guerre et arrive en septembre
1939 la deuxième guerre mondiale. Volontaire pour servir dans
l'aviation de chasse, , il est affecté successivement aux Groupes
de chasse III/6, GC III/3 puis au GC
III/2 en janvier 1940. Le 13 mai 1940, il contribue, à la
tête de sa patrouille, à abattre un Henschel 126 à
l'intérieur de ses lignes. Le 16 mai 1940, lors d'une patrouille
légère, il abat un Heinkel 111. Il compte 2 victoires
officiellement homologuées et il est l'un des trois seuls pilotes
de 14-18 qui aient ajouté en 39-40 des victoires à leur
palmarès de la guerre précédente (le Colonel De
Marmier, titulaire de 6 victoire en 1917/18, remportera 3 victoires
supplémentaires en 1940 avec le GC I/145).
Démobilisé le 16 août 1940, il se retire dans le
Midi et fonde bientôt avec Emmanuel d'Astier
de la Vigerie le mouvement de résistance "La Dernière
Colonne", qui se destine au sabotage. Arrêté à
Marseille en décembre, il est incarcéré au Fort
Saint-Nicolas mais est relâché le 7 janvier 1941. Le 10
janvier 1941, il parvient à passer au Maroc. De là, il
rejoint la Martinique d'où il réussit, en trompant la
surveillance de la marine de Vichy, à gagner New York. Le 1er
mars 1941, il signe son engagement aux Forces
françaises libres (FAFL)
à Londres. Affecté dans la RAF, Edouard
Corniglion-Molinier est ensuite nommé chef d'état-major,
puis commandant de l'Aviation Française en Moyen-Orient ; il
assiste le général Martial Valin dans la création
du Groupe de Bombardement "Lorraine"
et du Groupe de Chasse "Alsace"
en septembre 1941. Il participe avec eux aux campagnes de Libye et de
Cyrénaïque. Le 23 novembre 1941, au cours d'une mission
au sud de Tobrouk le Groupe de Bombardement
n°2 Lorraine sous les ordres de Corniglion-Molinier, attaque
une colonne de 100 chars allemands et réussit à détruire
plus d'un tiers de l'effectif ; il est promu lieutenant-colonel le mois
suivant.
Nommé commandant des FAFL au Moyen-Orient en juin 1942 en remplacement
du colonel Jean Astier de Villatte, il
est rappelé en Grande-Bretagne à la suite du débarquement
allié en Afrique du Nord. Arrivé à Londres le 23
novembre 1942, le général Valin en fait son adjoint en
lui donnant le titre de commandant des FAFL en Grande-Bretagne. Promu
au grade de colonel le 15 décembre 1942, Edouard Corniglion-Molinier
prend part à de nombreuses missions sur l'Allemagne et sur les
pays occupés. De retour en France après le débarquement
de Normandie, il reçoit en novembre 1944 ses étoiles de
général de brigade aérienne et prend le commandement
des Forces aériennes de l'Atlantique ; il participe efficacement
à la réduction des poches de Royan et de Rochefort avec
des escadrilles constituées de personnel prélevé
sur les maquis ou la résistance ou d'anciens pilotes de 1940,
équipées de matériel d'avant-guerre. Vers la fin
des hostilités, il aide le général Valin à
reconstituer l'Armée de l'Air Française en assurant, d'abord
avec le général de Vitrolles, ensuite seul, le commandement
des écoles jusqu'au 1er août 1946, date à laquelle
il est démobilisé et après avoir été
nommé général de division aérienne.
Revenu à la vie civile, Edouard Corniglion-Molinier occupe des
postes importants comme président, vice-président et administrateur
de nombreuses grandes sociétés aéronautiques, cinématographique
et de presse. Elu conseiller de la République pour le département
de la Seine, le 7 novembre 1948, il va désormais se consacrer
à ses nouvelles responsabilités. Membre de la Commission
de la défense nationale et de la Commission de la presse, de
la radio et du cinéma, il est élu, en 1951, président
de la Commission de la presse du Sénat. Conseiller général
de Roquebillière depuis le 20 mars 1949, il devient, dix ans
plus tard, maire de ce chef-lieu de canton des Alpes-Maritimes. Entre-temps,
il était passé du Sénat à l'Assemblée
nationale où il représenta, presque sans interruption,
son département natal, depuis le 1er juin 1951. Ses qualités,
tant humaines que techniques, lui valent d'être désigné
à des postes ministériels dans plusieurs cabinets : Ministre
d'Etat chargé du Plan, dans le Cabinet Laniel, de juin 1953 à
juin 1954. Ministre des Travaux publics, des Transports et du Tourisme,
dans le deuxième Cabinet Edgar Faure, du 23 février 1955
au 24 janvier 1956. Garde des Sceaux, Ministre de la Justice dans le
Cabinet Bourgès-Maunoury, du 13 juin au 6 novembre 1957, il devient,
en mai 1958, Ministre d'Etat chargé du Sahara dans le Cabinet
Pflimlin. Membre de l'Assemblée parlementaire européenne.
Délégué général permanent de la République
de Côte-d'Ivoire en France.
Edouard Corniglion-Molinier est décédé
le 9 mai 1963 à Paris. Il est inhumé à Nice au
cimetière du Château.