Batailles - Guerre de Corée ciel de gloire - histoire des as de l\'aviation de 1914 à nos jours



 


 

 



 

GUERRE de COREE

 

 

Au printemps de 1951, alors que l'offensive communiste était enrayée au sol etque s'ouvraient des pourparlers de paix, la guerre aérienne s'intensifia, chacundes deux camps étant déterminé à s'assurer la maîtrise de l'air afin de s'asseoiren position de force à la table des négociations. Impuissante à s'opposer auxchasseurs à réaction MiG-15, engagés en nombre croissant sur ce théâtred'opérations, l'aviation alliée fut vite débordée.

 

LA PAIX MANQUEE

 

Au début de l'année 1951, les États-Unis voyaient encore dans la guerre de Corée un conflit de second ordre, risquant de détourner leur attention de ce qui constituait à leur avis l'essentiel : la menace soviétique. Ainsi en témoigne cette déclaration devant le Congrès d'un général de l'armée de terre américaine, Omar Bradley, au mois de mai de cette même année .« Une intervention contre la Chine communiste ne constituerait pas une initiative décisive ; elle ne garantirait ni la fin des hostilités en Corée ni une défaite rapide des Chinois. » Il ne fait aucun doute, cependant, que les Américains auraient pu facilement mettre à genoux la Chine communiste à cette époque si le risque d'un conflit généralisé avec l'Union Soviétique n'avait pas existé. Il est significatif que l'US Navy n'ait déployé dans les eaux coréennes que trois porte-avions rapides du type Essex (36 000 tonneaux), dotés d'appareils d'attaque à moteurs à piston, tandis que la VIe flotte, en Méditerranée, réunissait trois porte-avions de 45 000 tonneaux, les USS Midway, Coral Sea et Franklin D. Roosevelt, embarquant des bombardiers à propulsion mixte North American AJ-1 Savage chargés d'armes nucléaires.

Le meilleur appareil en service dont disposait alors l'US Air Force était le North American F-86A Sabre. Tout laissait croire qu'un seul wing de ces chasseurs, une fois engagé sur le théâtre coréen, serait à même de tenir en échec les dizaines de MiG-15 que pouvaient mettre en ligne les forces communistes dans la zone immédiate des combats. Une nouvelle version du Sabre, le F-86E, il est vrai, avait été hâtivement mise au point avec un dispositif de surpuissance. Cette variante commença à être fabriquée en série pendant l'hiver 1950-1951, mais les premières livraisons aux forces opérant en Corée ne devaient pas intervenir avant le mois de septembre suivant.

 

    

 

Pour ce qui est des bombardiers, le quadriréacteur North American B-45 Tornado équipait l'USAF depuis quelque temps, mais il était à craindre que son introduction sur le théâtre coréen n'incitât, par contrecoup, l'Union Soviétique à fournir à la Chine communiste des appareils de type similaire (en l'occurrence, le bombardier à réaction Iliouchine I1-28, qui ne devait arriver en Chine qu'en 1953). Le commandement des forces des Nations unies dut se contenter de deux wings de Douglas B-26 et de trois autres de Boeing B-29 - même si ces derniers appareils, opérant à ce stade de la guerre presque exclusivement de jour, avaient besoin d'être escortés par un grand nombre de chasseurs.

L'échec de l'offensive communiste du printemps 1951 contre la Corée du Sud fut suivi d'une stabilisation du front au sol. C'est cependant à ce moment qu'au vu de l'intervention chinoise les Nations Unies furent amenées à raidir leur position et à renoncer à leur objectif initial - la réunification du Nord et du Sud -, les États-Unis ayant fait savoir qu'ils ne toléreraient jamais l'instauration d'un régime communiste en Corée du Sud. Des pourparlers en vue d'une trêve s'ouvrirent malgré tout à Kaesong le 10 juillet.

Alors que la situation restait bloquée sur terre (le long d'un front traversant en diagonale le 38° parallèle), chacun des deux camps, soucieux de s'asseoir en position de force à la table des négociations, redoubla d'effort pour s'assurer la maîtrise de l'air. Le Général MacArthur, commandant en chef des forces des Nations Unies et partisan d'une extension du conflit, venait d'être remplacé par le General Matthew B. Ridgway, Washington ayant réaffirmé à cette occasion sa triple intention de « maintenir les États-Unis en dehors d'une guerre avec l'Union Soviétique et la Chine, de repousser l'agression et de restaurer la paix ».

Au moment de l'ouverture des négociations, les services de renseignements des Nations unies estimaient à 1050 le nombre d'avions de fabrication Soviétique équipant les forces aériennes Chinoises (Pékin disposait notamment de 445 MiG-15, de 250 Iliouchine I1-10 et de 355 Lavotchkine La-9, Lavotchkine La-11, Yak-9 et Tupolev Tu-2). La zone des combats en Corée se trouvait dans le rayon d'action d'environ sept cents de ces appareils dont la capacité offensive était loin d'être négligeable.

 

    

 

L'opération Strangle

L'une des dernières opérations aériennes de grande envergure mises sur pied avant que Mac Arthur ne soit relevé du commandement des forces des Nations unies en Corée fut une tentative pour isoler, au moyen de raids intensifs, les lignes communistes de leurs sources de ravitaillement et de renforts. L'opération Strangle prévoyait des attaques contre tous ports, routes, voies ferrées et tunnels situés à l'intérieur d'une zone comprise entre 38° 15" et 39° 15" N. Les bombardiers moyens et les avions d'attaque de l'US Air Force devaient intervenir dans le secteur ouest du front, les appareils embarqués de la Task Force 77 (comprenant les porte-avions USS Bon Homme Richard, USS Boxer et USS Princeton) dans la partie centrale et les formations d'attaque basées à terre de l'US Marine Corps dans la zone orientale, à proximité des côtes de la mer du Japon.

En raison de la grande vulnérabilité de leur réseau ferroviaire, les communistes utilisaient quasi exclusivement de rudimentaires chemins de terre pour le transport de leur matériel et de leurs vivres à proximité du front ; ces voies pouvaient d'ailleurs être assez facilement réparées. Malgré l'utilisation de napalm, roquettes et bombes à retardement - et le lancement d'attaques incéssantes, de jour comme de nuit -, les forces aériennes des Nations unies ne parvinrent pas à paralyser l'approvisionnement des troupes communistes. Des missions de reconnaissance ne devaient révéler qu'une faible diminution du trafic terrestre aux abords des lignes ennemies.

 

   

 

L'opération Strangle ne donna pas les résultats escomptés, l'intensification de l'activité aérienne alliée dans la zone du front incitant les Chinois à réagir vigoureusement. Les communistes commencèrent par lancer leurs biplans légers Polikarpov Po-2 contre l'aérodrome de Suweon, au sud de Séoul. base à partir de laquelle opéraient les F-86. Volant de nuit à basse altitude, les Po-2 larguèrent des bombes à fragmentation de 10 kg au-dessus des aires de stationnement des chasseurs - une tactique qui n'était pas sans rappeler celle utilisée par les Soviétiques comme par les Allemands sur le front de l'Est pendant la Seconde Guerre mondiale. Lors du premier raid de ce type, mené par un seul avion le 17 juin à l'aube, la base fut prise totalement de court ; deux bombes détruisirent au sol un Sabre du 335th Squadron et en endommagèrent huit autres (dont quatre gravement). Ce qu'en sept mois les MiG-15 n'avaient pas réussi à accomplir, un biplan volant à guère plus de 150 km/h l'avait réalisé en quelques secondes. Ces raids de saturation devaient constituer une menace constante non seulement pour les forces aériennes des Nations unies, mais aussi pour leur infrastructure au sol.

Les attaques de Po-2 contre Suweon marquèrent le début d'une série d'actions destinées à chasser les Sabre F-86 de la zone du front ainsi que de l'espace aérien situé audessus du fleuve Yalou (à la frontière entre la Corée et la Chine), baptisé « MiG-Alley » par les Américains. Deux F-86 furent abattus par des MiG-15 au cours de la seule journée du 17 juin, un troisième subissant le même sort le 22, alors qu'il escortait des Lockheed F-80 qui menaient un raid sur l'aérodrome nord-coréen de Sinuiju. En contrepartie, six MiG-15 furent détruits en vol par des Sabre au cours des batailles aériennes livrées entre le 17 et le 19 juin. Le 28, le Colonel Eagleston, commandant le wing de Sabre en mission, faillit lui-même être abattu (son appareil fut touché par un obus de 37 mm et deux de 23 mm tirés par un MiG). Malgré de graves dommages à l'arrière et la perte de deux aubes de turbine, Eagleston réussit à ramener son appareil à Suweon, où il atterrit en catastrophe.

 

   

 

En dehors des raids de Po-2, les communistes lancèrent une seule attaque de nature différente pendant le mois de juin. Le 20, en effet, une trentaine de I1-10, escortés par des Yak-9, tentèrent un raid contre un îlot côtier tenu par les forces des Nations Unies ; interceptés par un wing de Mustang de la South African Air Force, ils furent repoussés après un bref engagement.

Au cours du mois de juillet, neuf autres MiG-15 furent abattus, dont sept par des Sabre. Le 8 juillet, une formation de F-51 fut attaquée par des appareils ennemis, qui furent à leur tour assaillis par des F-86, trois MiG tombant en flammes. L'un d'eux fut descendu par le nouveau commandant en second du 4th Wing, le Colonel Francis S. Gabreski, le célèbre as de la chasse américaine de la Seconde Guerre mondiale. (Gabreski qui avait jadis inscrit à son actif trente et une victoires dans le ciel de l'Europe devait en remporter six et demie au-dessus de la Corée).

Suivirent alors quelques semaines d'inactivité de la part des forces aériennes communistes, en dépit des raids ininterrompus de l'opération Strangle. Des attaques de B-29 continuèrent à être lancées, malgré l'efficacité croissante des tirs antiaériens de l'ennemi (dirigés par radar, ils atteignaient désormais des formations de bombardiers volant à plus de 6 000 m d'altitude). Sur la centaine de B-29 engagés sur le théâtre coréen, pas moins de treize furent mis hors de combat en juin et juillet, et vingt membres de leurs équipages périrent.

Le 12 août, le centre portuaire nord-coréen de Najin (ou Rashin, au sud-ouest de Vladivostok), qui constituait par ailleurs un noeud ferroviaire vital commandant l'accès vers la Mandchourie (distante de seulement 27 km), était assailli par une formation de B-29 équipés de Shoran. Mais, en raison des restrictions imposées par le département d'État américain afin d'éviter tout survol du territoire chinois, pratiquement pas une seule bombe ne toucha la ville, ce qui donne une idée de la maîtrise des équipages. Un second raid, lancé le 22 août, avorta également, les B-29 avant été contraints de s'en prendre à des objectifs secondaires en raison du mauvais temps. Des ordres interdisant des attaques ultérieures furent annulés par le président Truman, une troisième sortie contre Najin étant effectuée par trente cinq B-29 le 25 août. Du fait de la trop grande distance qui séparait les bases aériennes des Nations unies de l'objectif, l'escorte fut assurée par des chasseurs à réaction de l'US Navy - des McDonnell F2H-2 Banshee et des Grumman F9F Panther - opérant à partir de l'USS Essex (de retour depuis peu dans les eaux coréennes après avoir été remplacé pendant quelques semaines par l'USS Princeton). Vingt-neuf des bombardiers prenant part au raid atteignirent Najin et réussirent à larguer 97 % de leurs bombes (soit plus de 300 t) sur les installations portuaires et la gare de triage, provoquant des dommages considérables. La chasse ennemie n'opposa aucune résistance, et tous les B-29 retournèrent à leur base.

 

 

C'est à cette époque qu'une deuxième brigade de MiG-15, devenue pleinement opérationnelle, fut implantée sur la base chinoise d'Antoung, à proximité de la frontière coréomandchoue. Sa présence étant rapidement détectée par les appareils de reconnaissance des Nations unies, les F-86 du 4th Fighter Interceptor Wing furent transférés à Kimpo, au nord-ouest de Séoul. Entre-temps, certaines des imperfections du Sabre avaient été corrigées. En raison d'une nette amélioration dans les procédures de maintenance, le dispositif de largage de ses réservoirs auxiliaires, qui avait posé à plusieurs reprises de fâcheux problèmes en plein combat, et le mécanisme de déclenchement de sa photomitrailleuse avaient été perfectionnés.

En août, quatre MiG-15 furent détruits dans des batailles aériennes contre des Sabre, sans pertes du côté américain, mais le mois de septembre marqua un accroissement notable de l'activité des forces aériennes communistes. Sur les neuf cent onze MiG aperçus et affrontés pendant cette période, seulement quatorze devaient être descendus (treize par des F-86 et un par un Republic F-84). Parmi les aviateurs victorieux figuraient le Captain Richard S. Becker et le Captain Ralph D. Gibson, qui devinrent respectivement les deuxième et troisième pilotes américains à avoir abattu cinq avions à réaction ennemis (le premier, le Major James Jabara, avait atteint ce score le 20 mai ; il devait devenir le deuxième as des forces aériennes des Nations unies en Corée en s'adjugeant un total de quinze MiG).

C'est également en septembre qu'eurent lieu les premières livraisons de F-86E au 4th Fighter Interceptor Wing, livraisons de nécessité immédiate, il est vrai consécutives à de lourdes pertes et ne résultant en rien d'un plan de rééquipement bien étudié. Le 4th Wing, en effet, ne devait se séparer de son dernier F-86A que dix mois plus tard. En fait, le premier wing à être entièrement doté de F-86E allait être le 51th Fighter Interceptor Wing.

Le 16 septembre, par ailleurs, les opérations aéronavales américaines en mer du Japon durent être temporairement interrompues après qu'un Banshee, endommagé pendant une mission de combat, eut raté les câbles d'appontage sur le pont de l'USS Essex, rebondi au-dessus des barrières d'arrêt et percuté de plein fouet les appareils parqués à l'avant. Un violent incendie se déclara, et avant qu'il ait pu être éteint quatre avions furent détruits par les flammes, huit hommes périrent et vingt-sept autres furent gravement brûlés. L'Essex, qui dut faire route vers le Japon pour y subir des réparations, ne devait reprendre la mer que le 3 octobre. De ce fait, les unités de l'US Navy opérant au large de la côte est de la Corée se trouvèrent privées de toute couverture de chasseurs à réaction pendant trois semaines.

 

   

 

Strangle prit fin d'elle-même en septembre, quand l'état-major des forces des Nations Unies reconnut enfin qu'aucune campagne de raids aériens, aussi intensive fût-elle, ne détruirait complètement le lacis de routes et chemins situé immédiatement à l'arrière des lignes ennemies. En remplacement, une nouvelle opération fut mise sur pied, avec pour objectif la destruction du réseau ferroviaire nord-coréen, indispensable aux communistes pour le ravitaillement de leurs troupes (à proximité du front, vivres et matériel étaient transférés à bord de camions avant d'être acheminés jusqu'à la zone des combats). Dès que les communistes s'aperçurent du changement de stratégie des Nations Unies, une troisième brigade de MiG-15 fut dépêchée vers le sud (il s'agissait cette fois de MiG-15 bis, variante équipée du turboréacteur VK-1 au lieu du RD-45 utilisé jusquelà). Aussitôt, les pertes en B-29 commencèrent à augmenter ; ainsi, dans la seconde moitié du mois d'octobre, cinq d'entre eux furent abattus, huit étant gravement endommagés, tandis que cinquante-cinq membres d'équipage périrent en mission. Neuf MiG furent descendus le 16 octobre, mais la plus importante bataille aérienne du mois eut lieu le 22, lorsque 8 B-29 accompagnés de 55 F-84 et 34 F-86 effectuèrent un raid contre Namsi. Soudain, une centaine de MiG apparurent à l'horizon et assaillirent l'escorte, suivis bientôt d'une cinquantaine d'autres qui fondirent directement sur les bombardiers. En cinq minutes, trois B-29 et un F-84 furent abattus, tandis que quatre bombardiers étaient sévèrement endommagés. En contrepartie, six MiG furent détruits en vol.

Face à l'opposition de plus en plus vigoureuse de la chasse ennemie - des escadres de près de 80 MiG étaient désormais fréquemment mises en oeuvre -, le commandement des Nations Unies dut renoncer à utiliser les B-29 dans des raids diurnes. Il décida en revanche de lancer un plus grand nombre d'attaques nocturnes à partir des trois porte-avions américains croisant au large des côtes de Corée avec des Vought F4U-5N Corsair et des Douglas AD-4N Skyraider. Bien que ces derniers fussent chargés en temps normal d'assurer la protection des porte-avions pendant la nuit, l'absence d'activité aérienne ennemie au-dessus de la mer permit leur emploi, dans des sorties nocturnes, contre le réseau ferroviaire nord-coréen. C'est également à cette époque que le premier squadron d'attaque de l'US Marine Corps équipé de Skyraider (le VMA-121) se joignit aux opérations.

 

 

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Sources

Texte : Encyclopédie de l'Aviation - Editions Atlas
STARS & BARS - Frank Olynyk - Grub Street Editions
F-51 Mustang units over Korea - Warren Thompson - Osprey frontline colour 1
F-84 Thunderjet Units over Korea - Warren Tompson - Osprey frontline colour 3
Korean War Aces - Robert F Dorr, Jon Lake, Warren Thompson - Osprey aircraft of the Aces 4
F-86 Aces of the 51st Fighter Wing - Warren Thompson - Osprey aircraft of the Aces 70
F-86 Aces of the 4th Fighter Wing - Warren Thompson - Osprey aircraft of the Aces 72
F-80 Thunderjet Units over Korea - Warren Thompson - Osprey frontline colour 5
F-86 Sabres of the 4th Fighter Interceptor Wing - Warren Thompson - Osprey frontline colour 6
B29 Superfortress Units of the Korean War - Robert F Dorr - Osprey Combat Aircraft 42
Korea The Air War 1950 / 1953 - Jack C Nicholls & Warren E Thompson
MIG Alley - Larry Davis - Squadron Signal Publications