Robert Thollon est né
le 14 mai 1914 à Marseille dans les Bouches-du-Rhône.
Après avoir perdu son père très jeune (tué
au front en 1918), il obtient son Baccalauréat à 17
ans et intègre le 1 octobre 1936, l'Ecole de l'Air nouvellement
créée. Il y obtient ses brevets de pilote et d'observateur.
Sorti major de sa promotion, le Sous-Lieutenant Thollon
effectue à partir d'octobre 1938 un stage de chasse à
l'école de Romilly et se retrouve affecté le 4 mars
1939 à la 1ere Escadrille du GC I/8.
Lorsque la France déclare la guerre à l'Allemagne, le
3 septembre 1939, le Groupe est basé à Hyères
et toujours équipé d'antiques Dewoitine 510 incapables
de rivaliser avec les Me 109 de la Luftwaffe. En novembre 1939, le
GC I/8 perçoit des MB 152 à
moteur 14 N-25. Pendant la "Drôle de Guerre", le Groupe
traverse la France en diagonale de Cherbourg à Velaine-en-Haye,
près de Nancy. C'est ainsi que le Groupe ne réalise
sa première mission de guerre que le 12 avril, mission à
laquelle le Sous-Lieutenant Thollon
prend part. Au terme de cette première sortie, 5 pilotes se
sont posés sur des terrains autres que le leur, "paumés"
selon le journal de marche... débuts difficiles ! A partir
du 16 avril, le Groupe échange ses appareils pour une version
plus puissante à moteur 14 N-49. Les avions reversés
seront attribués au GC III/1 qui
ne dispose alors que de Bloch MB 151 et de Spad 510.
CAMPAGNE
DE FRANCE
10 mai 1940
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Couverture Vélaine - Nancy, une patrouille
légère Sous-Lieutenant Thollon
(MB 152 n° 528 "7") - Sergent-Chef Liautard,
décollage 6 h 00, qui rencontre sept Heinkel 111 du II./KG
55. Après une attaque de Liautard
sur un Heinkel, les deux pilotes se regroupent et s'en prennent
à un bombardier isolé, l'attaquant par l'arrière,
dessus ou dessous. Le moteur droit est déjà stoppé,
l'avion perd de l'altitude en virant à gauche entre Saint-Avold
et Grostenquin lorsque la radio leur ordonne de rentrer. La
chute de I'avion à Val-lès-Bénestroff sera
confirmée le 21 mai 1940. Au cours d'une autre mission,
où Liautard pilote touiours
le Bloch 152 n° 528, ses deux équipiers peuvent rentrer
au terrain, mais avec des avions hors service.
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11 mai 1940
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Couvenure a priori Vélaine - Nancy,
4 h 30 - 6 h 00, une patrouille simple : Sous-Lieutenant Thollon
et Flandi, Caporal-Chef Spacek.
La patrouille rencontre à 8 000 m au dessus du secteur
Toul - Nancy plus de cinquante bombardiers escortés de
Bf 109 et 110. Ils attaquent d'abord à trois le dernier
peloton de Heinkel, puis doivent se séparer. Thollon,
qu'a suivi Flandi, s'en prend à
un Heinkel et le touche sévèrement. Ses moteurs
fument et il part en retournement, suivi de deux Morane du GC
III/7 qui s'acharnent sur lui ; finalement la DCA s'en mêle,
le faisant exploser en l'air à 6 h 30 [He 111H "AI
+ JK" - WNr 6808 du I./KG 53
avec 1 tué et 4 prisonniers]. Puis la chasse allemande
intervient, Augustin Flandi
est tué, Otto Spacek
doit se parachuter. Thollon
parvient à rentrer à Vélaine-en-Haye, mais
son Bloch n°' 528 a reçu de nombreux coups, entre
autres le réservoir crevé.
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Le 12 mai 1940, le GC I/8 se déplace
à La Fère-Courbes avec dix-huit avions seulement. Neuf
Bloch 152 ont dû rester à Vélaine, dont le n°528,
"7" de Thollon.
15 mai 1940
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Couverture du terrain a priori, 4 h 30 -
5 h 30, une patrouille simple. Les pilotes aperçoivent
trois "Dornier 215" dont la DCA jalonne la route de
ses tirs. Ses deux équipiers victimes de problèmes
techniques ou de la DCA française, Thollon
se lance seul à leur poursuite et, soleil dans le dos,
prononce quatre attaques sur le leader ennemi. Touché,
le Dornier Do 17 du I./KG 76 commence
à descendre, puis finit par se poser en catastrophe à
quinze kilomètres au sud-est de Dinant où il capote
et prend feu. Son vainqueur à court d'essence sur le
Bloch n° 530 "2" se pose à Maubeuge puis
rentre à La Fère.
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Le 16 mai 1940, le groupe se replie sur Chantilly avec treize avions,
en laissant trois à La Fère. Le lendemain, le Sous-Lieutenant
Thollon obtient d'aller chercher avec
quelques mécaniciens un des avions laissés. Il décolle
le MB 152 n° 553 sous le feu des auto-mitrailleuses allemandes
et le ramène à Chantilly ; les quatre mécaniciens
peuvent rentrer également. Pendant le trajet un Bf 110 leur
a largué une bombe qui est tombée à dix mètres,
mais n'a pas explosée.
Le 24 mai 1940, le Lieutenant Holcek
ramène de Vélaine le Bloch n° 528 réparé.
Dans I'immédiat et vu le peu de moyens disponibles tout le
monde volera avec, Thollon ne l'utilisant
de façon régulière qu'à partir du 1er
juin.
3 juin1940
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Protection de reconnaissance Amiens - Péronne, une
patrouille triple, décollage 8 h 15. Après des
tirs de la Flak, la patrouille doit faire face à des
Bf 109 du III./JG 53 qui l'attaquent
par derrière, soleil dans le dos. Thollon
(MB 152 n° 528) a fait le récit suivant : "La
patrouille fait face et les Messerschmitt nous tirent par
l'avant. Dislocotion de la patrouille et combat individuel.
Ne retrouvont plus mes équipiers je reste sur le secteur
pour les rassembler. Attaqué pein arrière par
un Messerschmitt, je dégage à droite et, aussitôt
après, je vire à gauche et je tire de très
près le Messerschmitt qui avait viré à
droite pour me suivre. Le pilote ne saute pas en parachute
et l'appareil s'écrase au sol. Je ne peux pas déterminer
le point de chute, moi-même attaqué par d'autres
Messerschmitt, mais le Caporal-Chef Spacek
a vu l'appareil tomber entre Roye et Chaulnes environ, à
9 h 25. J'ai été ensuite poursuivi pendant dix
rninutes en rase-mottes par deux Messerschmitt qui ont fait
cinq attaques sur moi. A chaque attaque je dégage à
droite et aussitôt après à gauche, me
trouvant chaque fois en excellente position de tir de très
près. A ce moment une seule mitrailleuse tire encore
et, après deux passes, elle ne tire plus. L'appareil
protégé est rentré au terrain avec les
deux patrouilles de protection rapprochée."
Bombardement de la région parisienne. Seuls neuf avions
du GC I/8 prennent I'air à
partir de 13 h 30, Thollon
partant seul à 13 h 45 sur le Bloch 152 n° 429.
ll rejoint le secteur prévu, Corbeil-Villeneuve-Saint-Georges,
où il trouve deux autres pilotes du GC
I/8. Ils prennent à 14 h 05 le contact de sept
Junkers 88 de la KG 51 à
5 000 m, qui reparrent en direction du nord-est après
avoir bombardé le terrain d'Etampes. Thollon
attaque seul un Junkers isolé, mettant en feu le moteur
gauche et réduisant le mitrailleur au silence dès
la première passe. Après plusieurs attaques
de Thollon, aidé par
le Sous-Lieutenant Salva du GC
I/3 sur Dewoitine 520, le Ju 88 commence à descendre
puis se pose train rentré au sud de Cocherel à
14 h 10 [Ju 88 A-1 "9K+AA" (WNr 322) du Stab./KG
51 ayant à son bord le "patron" du
KG 51, l'Oberst Josef
Kammhuber futur commandant de la chasse de nuit allemande
(quatre prisonniers dont un blessé)]. Thollon
se pose près de sa victime et ramène deux trophées
: un pistolet et un appareil photo.
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MB 152 du GC I/8
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6 juin 1940
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Destruction Nesles - Ham, 14 h 20 - 14 h 50 sur secteur,
une patrouille triple du GC I/8
plus deux du GC II/6. Très
vite il ne reste plus que six Bloch du GC
I/8 sur neul les pannes diverses ayant motivé le
retour de trois pilotes. Arrivés sur Conchy - Ressons,
le dispositif rencontre quatre pelotons de Do 17, totalisant
environ cinquante avions qui volent vers 4000 m, protégés
par des Bf 109. La patrouille simple menée à
4 500 m par le Sous-Lieutenant Thollon
attaque les Dornier et a le temps de faire deux passes sur
le dernier peloton. Avant de dégager pour faire face
aux Messerschmitt, Thollon
sur le Bloch 152 n° 528 et le Sergent-Chef Prchal
peuvent mettre en feu le moteur droit d'un Dornier qui pique
en direction de ses lignes vers Amiens. Finalement il sera
homologué au seul Sous-Lieutenant Thollon
qui rejoint ses deux équipiers sur Compiègne,
ces derniers chacun victorieux d'un Bf 109.
Protection de bombardement Chaulnes - Rosières-en-Santerre,
19 h 15 - 19 h 45 sur secteur, une patrouille triple du GC
I/8 avec deux des GC II/6 et
GC I/3. La mission se déroule
sans incident pour les chasseurs, malgré d'intenses
tirs de la Flak. Une fois les bombardiers en sécurité,
les pilotes du GC I/8 reviennent
sur le secteur où ils rencontrent vingt-quatre bimoteurs
identifiés comme des Do 17, escortés de Bf 109
et se dirigeant vers Noyon à 3 500 m. Les Bloch attaquent
en piqué par patrouille simple, sans que les Messerschmitt
interviennent. Thollon (MB
152 n° 528), aidé par le Sergent-Chef Prchal
et le Caporal-Chef Spacek, abat
un Dornier qui va s'écraser vers Chaulnes. Au total
les pilotes du GC I/8 obtiennent
trois victoires sûres et une probable au prix du Capitaine
Peyrègne, tué.
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Le 7 juin 1940, au cours d'une protection de bombardement à
laquelle Thollon ne participe pas,
le Sergent-Chef Prchal
en panne d'essence
pose en campagne le Bloch n° 528 "7", après avoir
descendu un Hs 126. Récupéré par l'ARAA d'Aulnat,
l'avion reprendra du service, mais
plusieurs mois plus tard, et pas au GC I/8.
Le 8 juin 1940, le terrain de Claye-Souilly subit un violent bombardement,
dont la lere Escadrille souffre particulièrement : aucun avion
disponible. seulement six de la 2eme Escadrille pour tout le groupe.
La tente de la lere Escadrille a reçu un coup direct, les tenues
de vols et parachutes percés par les éclats, elle ne
pourra fournir une patrouille de guerre que le 10 juin. Lorsque le
9 juin le groupe se déplace sur le terrain de Brétigny,
elle n'évacue que cinq avions. Ce même jour, pour participer
à une mission, Thollon doit
utiliser un avion de la 2eme Escadrille.
15 juin 1940
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Couvenure Fontainebleau - Corbeil, 18 h 00
- 19 h 00, une patrouille triple. Arrivés sur la Loire
les pilotes du GC I/8 voient un Ju
88 et trois Bf 109. Pendant que deux patrouilles tiennent les
Messerschmitt en respect, celle de Thollon
attaque le Junkers qui fuit en piquant. La première passe
neutralise le mitrailleur, puis le Sous-Lieutenant et le Sergent
Malbos continuent en léger
piqué leurs attaques sur le bombardier qui largue sa
charge sur le pont de Jargeau, sans le toucher. Tirant à
bout portant avec le Bloch 152 n° 641 "7", Thollon
l'envoie finalement s'écraser à sept kilomètres
au nord de Jargeau [Ju 88 A-1. "5J +GS " (WNr 0044)
de la 8./KG 4 abattu à Faye-aux-Loges,
au nord-ouest de Châteauneuf-sur-Loire (quatre tués)].
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Le 16 juin 1940, la patrouille du Sous-Lieutenant Thollon
(MB 152 n° 641) - Adjudant Michaud
- Sergent-Chef Louveau poursuit un Do
17 sans pouvoir le rejoindre. Le lendemain le GC
I/8 quitte Châteauroux pour Rochefort, son potentiel sérieusement
reconstitué puisque la lere Escadrille emmène quatorze
avions.
Le 20 juin 1940. Décollage sur alerte au départ de
Royan, une patrouille simple, aux environs de 19 h 00. Thollon
met en feu le moteur gauche d'un He III du III./KG
l, mais le bombardier regagne ses lignes. Ce jour là,
le GC I/8 fournit quarante sorties en couverture
de Royan, du Verdon, Poitiers ou Limoges, Thollon
en effectuant pour sa part trois.
Entre le 10 mai 1940 et le 25 juin, le Sous-Lieutenant Robert
Thollon réalise 39 missions de guerre dont 24 comme chef
de patrouille. Placé à sa demande en congé d'armistice,
Robert Thollon rejoint le 1er
octobre 1940 le camp de "Jeunesse et Montagne" de Grenoble,
un mouvement semblable aux "Chantiers de Jeunesse" mais
destinés aux familles de pilotes. Ses qualités naturelles
de meneur l'amène à prendre le commandement de l'école
des cadres de "Jeunesse et Montagne". En réalité,
Robert Thollon utilise cette
école pour y recruter et y former des résistants, lui-même
nouant des contacts avec les réseaux locaux. Après que
l'école ait été déplacé en Auvergne
en 1944, il prend le maquis le 3 juin sous le pseudonyme de "Commandant
Renaud", commandant successivement un groupe de 160 maquisards
puis une demi-brigade composée de 1400 hommes qui remporteront
d'importants succès face aux allemands. Ses hommes et lui seront
les premiers à entrer dans l'hôtel de ville de Lyon,
le 3 septembre.
En novembre 1944, le Capitaine Thollon
se remet à disposition de l'Armée de l'Air et le 22
du mois il prend le commandement du GC 2/18
"Saintonge" formé sur D 520 au sein des Forces
Aériennes de l'Atlantique. Ses deux escadrilles reprennent
les traditions du GC I/8. Opérant
depuis Cognac puis depuis Toulouse, le GC 2/18,
passé en mars 1945 sur Spitfire Mk V, participe activement
à la réduction des pôches de l'Atlantique jusqu'en
mai 1945.
Le Commandant Thollon quitte le GC
2/18 "Saintonge" en mai 1946 pour devenir commandant
en second de la 3eme Escadre de Chasse
en Allemagne, sur Républic P-47D. Nommé à la
tête de cette unité en jabvier 1948, il se tue le 24
février suivant lors d'un accident de ski, après avoir
percuté un autre skieur qui lui avait coupé la route.
NB : L'unité tactique de l'escadrille est la patrouille, laquelle
peut-être organisée comme suit :
- Patrouille simple : 3 avions.
- Patrouille légère : 2 avions.
- Patrouille double : 6 avions (2 patrouilles simples).
- Patrouille double légère : 4 avions (2 patrouilles
légères).
- Patrouille triple : 9 avions (3 patrouilles simples).
- Patrouille triple légère : 6 avions (3 patrouilles
légères).
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