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SIGNIT SUR LE VIETNAM
Les missions d'écoute des communications adverses (Signal
Intelligence, ou Sigint) menées par l'US Air Force en Asie
du Sud-Est constituèrent un élément majeur de
l'affrontement entre les États-Unis et le Viêt-nam du
Nord. Un aviateur américain raconte cet épisode mal
connu. Faisant partie, à la fin des années cinquante, de l'équipage d'un RB-47H, je n'avais pas le droit de mentionner devant quiconque le type d'avion sur lequel je volais, l'unité dont je dépendais, la base où je stationnais et les missions auxquelles je participais. Lorsque nous rejoignions tel ou tel terrain de déploiement, nous ne pouvions le faire généralement que de nuit, et nous étions cantonnés loin du centre de la base ou dans un hangar isolé, à l'abri des regards indiscrets. Nous avions des chefs de détachement qui ne permettaient pas à l'équipage d'un même avion, généralement composé de six membres, de se montrer ensemble en public. Nous étions contraints de manger, de jouer au bowling ou d'aller au cinéma par groupes de deux ou trois seulement. On nous demandait également de laisser notre tenue de vol dans le hangar où nous vivions ou de porter des vêtements civils par-dessus quand nous étions requis pour une sortie opérationnelle, afin de ne permettre à personne de se douter de notre véritable activité. L'un de nos chefs exigea même que nous portions ladite combinaison de vol en permanence.
Il n'existait qu'une seule exception à ce rituel intangible. En effet, une fois par mois, nous devions prendre part à une mission, que nous appelions Orient Excess, et dont nous revenions littéralement éreintés. La plupart des sorties que nous menions à partir du Japon étaient tranquilles et intéressantes ; elles ne duraient pas plus de six ou sept heures et ne demandaient pas de ravitaillement en vol. Par contre, les vols qui s'intégraient dans l'opération Orient Excess réclamaient près de onze heures et nous obligeaient à nous ravitailler à une citerne volante qui nous attendait dans les parages d'Okinawa. Une fois les pleins de carburant effectués, nous devions survoler T'ai-wan et piquer plein sud en longeant les côtes chinoises. Même en ce début des années soixante, il n'y avait rien d'intéressant à glaner dans cette région. Nous captions les émissions du radar de l'aéroport de Hong Kong et celles de quelques vieux radars datant de la Seconde Guerre mondiale que les Chinois utilisaient encore. Des renseignements dignes de foi nous avaient permis de savoir que la Chine communiste procédait de temps à autre au déploiement de quelques MiG sur deux aérodromes situés dans l'île d'Hainan. Nous faisions ce que nous pouvions pour exciter les Chinois, et nous larguions quelques paquets de paillettes, tout en nous appliquant à discréditer Mo par des messages que nous passions sur les fréquences adverses. Nous apprîmes très vite à i&norer le secteur du Viêt-nam, parce qu'il n'y avait rien a y faire d'intéressant.
Les choses commencèrent à devenir plus sérieuses au Viêt-nam à partir du milieu de l'année 1964, si bien que le nombre de missions de reconnaissance que nous dûmes assurer augmenta. Des plates-formes d'emport de drones Lockheed DC-130 furent déployées dans un premier temps à Kadena puis à Bien Hoa, sur le territoire du Viêt-nam du Sud. Un pas supplémentaire fut franchi quand deux avions d'espionnage électronique RB-47 furent affectés en permanence au théâtre d'opérations de l'Asie du Sud-Est. A l'époque, plusieurs Boeing RC-135M étaient utilisés depuis Yokota AB dans des missions de reconnaissance électronique dont les objectifs étaient situés entre Petropavlovsk, en Union soviétique, et Shanghai, en Chine. Ces appareils furent progressivement détournés vers le Viêt-nam, qui devint en définitive leur principal champ d'investigation. Plus tard, des RC-135 spécialement aménagés furent affectés de manière exclusive, des mois durant, au Sud-Est asiatique. Les missions devinrent beaucoup plus fréquentes, plus risquées et plus délirantes.
En 1962, au moment de la crise de Cuba, deux RB-47H furent modifiés
en vue de travailler en liaison avec des drones largués à
partir de DC-130. Capables d'évoluer à haute altitude,
ces engins non pilotés étaient dotés d'équipements
électroniques qui les faisaient apparaître, sur les écrans
des radars ennemis, beaucoup plus grands qu'ils l'étaient en
réalité. Grâce à eux, nous pouvions être
en mesure d'intercepter et de relayer les signaux émis par
les missiles SA-2 livrés à Castro parles Soviétiques.
Les RB-47 devaient capter, enregistrer et analyser les émissions
provenant des drones ainsi que celles des radars de conduite de tir
cubains, ce qui leur permettrait de leurrer les sites de missiles
ennemis. Lorsque ces derniers ouvriraient le feu sur les drones, les
avions d'espionnage électronique présents dans le secteur
auraient la possibilité de recueillir toutes les données
utiles. Au moment où ce système complexe devint o'rationnel,
la situation politique était telle qu'il n'était p us
question de provoquer les Cubains. Connu sous les appellations successives
de Fire Fly, Lightning Bug et United Effort, ce programme fut donc
abandonné pendant quelque temps, puis il fut réactivé,
en 1965, en vue de tester les ca,pacités de réaction
de la Corée du Nord. Les drones utilises à cette occasion
ne possédaient pas les systèmes électroniques
qui auraient pu les faire apparaître aussi grands que des U-2
sur les écrans des radars nord-coréens ; aussi ne suscitèrent-ils
aucune réaction de la part des sites de missiles SA-2 de l'adversaire.
L'unité chargée de l'opération United Effort
fut alors expédiée à Okinawa et, enfin, à
Bien Hoa, d'où elle devait être mise en action contre
les missiles sol-air nord-vietnamiens. Déployés initialement
sur la base de Clark, aux Philippines, les RB-47H rejoignirent bientôt
les DC-130 au Viêt-nam du Sud. Pendant les mois qui suivirent,
de nombreuses tentatives furent conduites en vue d'intercepter les
émissions des SA-2. Plusieurs de ces engins furent tirés
et touchèrent des drones sans que, pour diverses raisons techniques,
des informations utiles eussent pu être recueillies. Finalement,
le 13 février 1966, un RB-47H parvint à enregistrer
les signaux provenant d'un missile qui venait d'abattre un avion sans
pilote Ryan. Evoquapt cet événement quelque temps plus
tard, le secrétaire d'Etat à l'US Air Force devait souligner
qu'il s'agissait du résultat le plus important obtenu par la
reconnaissance électronique américaine au cours des
vingt dernières années. Dans l'intervalle, les actions conduites par les RB-47H dans le domaine stratégique avaient poussé les responsables de la défense américaine à préconiser des missions de reconnaissance tactique, qui revinrent aux chasseurs bombardiers de l'US Air Force et de l'US Navy. Dépassé, le RB-47 fut progressivement retiré des unités de première ligne et termina son engagement en Asie du Sud-Est. Les appareils de ce type achevèrent leur carrière dans le cadre de sorties destinées à tester les défenses soviétiques.
Le RC-135 entre en scène Le Viêt-nam constituant un objectif de première grandeur en matière de renseignement électronique, nous prîmes la décision d'exploiter cette situation en expédiant à Kadena, où ils furent placés sous le commandement du 4252nd Strategic Wing, les Boeing RC-135M du 82nd Strategic Reconnaissance Squadron. L'engagement de ces appareils audessus du Viet-nam fut de plus en plus important, et il crût de telle façon que nos avions d'écoute électronique menèrent bientôt une mission quotidienne au-dessus du golfe du Tonkin. Cette opération se distinguant nettement des sorties effectuées par d'autres RC-135M sur les frontières chinoise et soviétique, le nom de code spécifique de Combat Apple lui fut attribué. Les plates-formes d'écoute apportèrent une contribution si importante aux efforts entrepris par les États-Unis en matière de renseignement sur le théâtre du Sud-Est asiatique qu'il fallut très vite assurer une couverture permanente du territoire ennemi.
Le 82nd SRS et le 376th SW (issu du 4252nd SW en 1971) allaient remplir cette tâche de tous les instants dans des conditions souvent très difficiles. La durée moyenne d'une mission sur RC-135 était de dix-neuf heures, sur lesquelles douze étaient consacrées au survol du golfe du Tonkin. Les unités qui en étaient chargées devaient mettre en l'air deux appareils et en tenir un en réserve en cas de besoin. Il ne faut pas oublier que, en dehors des sorties qu'ils devaient assurer sur le Viêt-nam, ces avions étaient engagés une fois par semaine sur la Chine et l'Union soviétique. Or nous ne disposions à cette époque que de cinq appareils, qui non seulement subissaient de graves dommages dus à la salinité de l'air et à un taux d'humidité terriblement élevé, mais devaient également faire face à des tempêtes dévastatrices sur terre et en vol. Lorsqu'un typhon approchait, nous ne pouvions faire autrement que d'évacuer nos avions sur Clark ou Yokota, ce qui arrivait plusieurs fois par an. La vie des cellules et des équipements de bord fut raccourcie de manière dramatique par ces conditions d'emploi peu favorables. Malgré tous ces obstacles, nous fûmes en mesure d'assurer des sorties Combat Apple vingt-quatre heures sur vingt-quatre, quatre années durant. Les équipages demandèrent parfots tellement à leurs avions qu'rl fallut ramener plusieurs RC-135M aux États-Unis, où ces machines durent subir des révisions majeures ou des refontes complètes. Quand un tel événement survenait, un ou deux RC-135D appartenant au 6th SW, basé à Eielson AFB, en Alaska, étaient expédiés provisoirement en renfort à Okinawa. Une telle façon de procéder posait souvent plus de problèmes qu'elle n'en résolvait. Ces appareils, utilisés auparavant sous le climat froid et sec de l'Alaska, supportèrent mal l'environnement chaud et humide de l'Asie du Sud-Est, et connurent un taux d'indisponibilité élevé. En outre, ils étaient équipés de réacteurs moins puissants que ceux des RC-135M et ne disposaient pas de l'autonomie et du plafond de ces derniers.
Au départ, toutes les missions Combat Apple se déroulèrent
au-dessus du golfe du Tonkin. Les orbites que suivaient les avions
étaient suffisamment larges pour leur permettre de détecter
la plus petite activité de l'ennemi. Quant aux rendez-vous
de ravitaillement en vol, ils avaient lieu le plus souvent au sud
de la zone démilitarisée, si bien que les RC-135M pouvaient
poursuivre leur travail de recueil du renseignement tout en s'approvisionnant
en carburant. A diverses occasions, les MiG-21 nord-vietnamiens effectuèrent des incursions sur le golfe du Tonkin à des vitesses supersoniques et surgirent assez près de nos avions d'écoute. Pour plusieurs raisons, notamment le manque de carburant et la crainte d'être interceptés par nos chasseurs, ils ne faisaient en général qu'une seule passe puis regagnaient l'abri que leur fournissaient leurs défenses aériennes, constituées de missiles sol-air et de canons. Opérant à haute altitude, et donc bénéficiant d'une manoeuvrabilité réduite, les RC-135M étaient dépourvus de tout armement, mais aucun de ces avions ne fut détruit par les MiG nordvietnamiens. A la suite d'une rencontre jugée par trop dangereuse avec les intercepteurs ennemis, les appareils impliqués dans Combat Apple reçurent une escorte constituée de McDonnell F-4 et de Vought F-8, embarqués sur les porte-avions qui croisaient dans le golfe. Ces chasseurs, qui orbitaient en général à l'intérieur et au-dessus de la trajectoire suivie par le RC-135, se ravitaillaient en carburant et étaient relevés toujours à la même heure. Les Nord-Vietnamiens s'en rendirent bientôt compte et surent tirer avantage de cet état de fait. Ils expédièrent leurs MiG-21 au-dessus du golfe du Tonkin alors que les intercepteurs de la Navy étaient occupés à se ravitailler et faillirent abattre à deux reprises des RC-135 dépourvus de protection. Ils purent d'ailleurs gagner l'abri de leurs défenses antiaériennes avant que les chasseurs américains n'aient eu le temps de réagir. Il fallut donc fournir à ces derniers une couverture de chasse supplémentaire. La tactique employée pour « piéger » les MiG consistait à amener le RC-135 au sud de la zone de surveillance qui lui était affectée quand la couverture de chasse haute avait besoin de carburant. Là, deux autres chasseurs rejoignaient l'avion-espion sans être détectés et se plaçaient sous ses ailes. Les trois appareils s'approchaient alors d'Haiphon. Les Nord-Vietnamiens, ignorantle danger, y tentèrent a plusieurs reprises des missions d'interception. A ce jeu, ils perdirent plusieurs MiG, détruits par les chasseurs assurant la couverture rapprochée. Quand il comprit ce qui se passait, l'ennemi n'essaya plus jamais de s'en prendre à des RC-135 engagés dans des missions Combat Apple.
Un curieux incident survint : une machine non identifiée passa
assez près d'un RC-135 pour être acquise visuellement
par les pilotes des chasseurs d'escorte. Ceux-ci reçurent l'ordre
d'intercepter et d'identifier l'intrus, ce qu'ils firent rapidement.
Pris pour un MiG-19, l'appareil présumé hostile fut
détruit par un missile, mais il s'avéra plus tard qu'il
s'agissait d'un drone qui, largué depuis un DC-130, n avait
pu être contrôlé par 1 avion mère et s'était,
en fin de compte, perdu. En 1972, l'US Air Force décida d'étendre le champ d'investigation de ses RC-135 à l'intérieur des terres. Des avions survolèrent le Laos, où ils obtinrent beaucoup plus d'informations qu'ils n'étaient en mesure d'en recueillir au-dessus du golfe du Tonkin. Ils surveillèrent notamment la piste Hô Chi Minh, par laquelle les Nord-Vietnamiens faisaient transiter des troupes et du matériel jusqu'au Viêtnam du Sud. Outre qu'ils devaient faire face aux canons antiaériens et aux missiles sol-air, nos appareils d'écoute furent confrontés à une menace d'interception par les MiG de l'adversaire d'autant plus grande qu ils ne pouvaient plus bénéficier d'escortes de chasse. Les appareils ennemis tentèrent donc à plusieurs reprises d'abattre les RC-135 expédiés sur le Laos, mais en vain. D'autre part, les armes antiaériennes qu'Hanoi s'employa à rassembler en territoire laotien pour combattre les incursions américaines furent repérées et détruites. Les pertes importantes qu'ils subirent incitèrent les Nord-Vietnamiens à abandonner toute idée de s'opposer aux initiatives américaines en matière d'espionnage électronique dans cette région. Avec ces autres missions à assurer, les responsables locaux durent expédier chaque jour un RC-135 sur le golfe du Tonkin pour une patrouille de douze heures et un autre au-dessus du Laos.
Des conditions difficiles Quand vous aviez à votre bord trente-cinq hommes avec leurs
équipements de vol, leurs repas et leurs bagages, et que vous
ne saviez pas où vous alliez pouvoir vous poser en cas de mauvais
temps, vous pouviez être certain que le pilotage d'un RC-135
ne serait pas une mince affaire. Imaginez-vous aux commandes en train
de tenter une manceuvre évasive sous les tirs des canons antiaériens
ou des intercepteurs de l'ennemi. Que dire, enfin, des vols que nous
étions obligés d'accomplir au milieu des pluies torrentielles
qui tombent dans la région d'Okinawa ? Nous fûmes souvent
obligés de décoller ou d'atterrir dans des conditions
de visibilité égales à zéro. Ces précipitations
furent à l'origine d'un phénomène qui aurait
pu avoir des conséquences désastreuses pour les avions
et les équipages. Les RC-135M que nous pilotions étaient
équipés d'inverseurs de poussée qui permettaient
de ralentir la masse énorme des appareils au moment de l'atterrissage.
Malgré toutes les précautions prises en ce sens, la
pluie parvenait à pénétrer dans les systèmes
commandant l'inversion de la poussée sur les réacteurs
et y provoquaient des courts-circuits. Les inverseurs entraient de
ce fait en action de manière intempestive, le plus souvent
au décollage, tandis que l'avion prenait de l'altitude en utilisant
toute la puissance de ses réacteurs. Il faut avoir été
confronté à une situation de ce genre pour comprendre
les dangers encourus. Le RC-135 se mettait à tanguer violemment,
parvenait rapidement à la limite de la perte de vitesse et
avait tendance à s'embarquer dans des tonneaux. C'était
un dur travail que de le reprendre en main, d'autant que ce phénomène
survenait sans aucun signe annonciateur. Plusieurs autres versions du RC-135 furent envoyées à
Kadena en vue d'effectuer des missions de recueil de renseignements
électroniques. Parmi les nombreux modèles utilisés
figuraient le KC-135R, le RC-135U et plusieurs sousversions du RC-135C. Les RC-135C du 55th Stratetegic Reconnaissance Wing, basés à Offutt AFB, étant utilisés dans des missions de reconnaissance stratégique sur toute la planète, le conflit du Viêt-nam ne les concerna que très peu. Partant de leur base américaine, ces avions effectuaient des vols de vingt-quatre à quarante-huit heures au cours desquels ils remplissaient la mission qui leur était impartie puis atterrissaient sur l'un des nombreux aérodromes d'outre-mer qu'entretenaient les Etats-Unis. De là, ils étaient utilisés dans des sorties à caractère local d'une durée de douze à vingt heures avant de regagner le continent nord-américain. Quand ils étaient déployés à Yokota et à Kadena, les RC-135C étaient engagés au-dessus de la zone des combats une fois par semaine et poussaient même leurs reconnaissances jusqu'au littoral chinois.
Bientôt désigné Chipmunk, à cause des
renflements imposants situés à l'avant de son fuselage,
le RC-135C fut équipé d'un système de reconnaissance
portant l'appellation d'ASD-1 et consistant en plusieurs récepteurs
automatiques programmables qui couvraient de larges bandes de fréquences.
Ce système possédait une telle capacité de couverture
et traitait les émissions qu'il captait à un rythme
si rapide qu'il reçut le surnom "d'aspirateur". Capable
d'intercepter tous les signaux électroniques émis au-dessus
des régions que l'appareil survolait, l'ASD-1 les stockait
sous forme de données numériques ou analogiques et établissait
la localisation des émetteurs ennemis grâce à
des radiogoniomètres. Le volume des informations que pouvait
recueillir cet équipement était suffisamment important
pour justifier la création d'une unité spécialisée
dans cette tâche. La responsabilité en revint au 544th
Aerospace Reconnaisssance Technical Wing, au quartier général
du Strategic Air Command, mieux connu sous l'appellation de Finder. Tous les signaux enregistrés par l'ASD-1 pouvaient être relayés automatiquement ou manuellement jusqu'à des systèmes de traitement connus sous les désignations d'ALD-5 et de QRC-259. Consistant en divers types de détecteurs spéciaux et représentant le nec plus ultra dans le domaine de l'analyse, l'ALD-5 était le premier équipement de ce genre à être capable de définir et d'évaluer les caractéristiques spécifiques et les capacités des émetteurs radar. Les impulsions émises par ces derniers pouvaient être conservées sur divers supports en vue d'être étudiées ensuite par le 544th ARTW. Les spécialistes furent ainsi en mesure de déceler de nombreuses anomalies dans les radars des sites de missiles sol-air nord-vietnamiens. Quant au QRC-259, il s'agissait de l'équipement le plus moderne et le plus avancé existant à l'époque. Il possédait des capacités si remarquables qu'il ne pouvait être calibré par aucun autre appareillage que lui-même. Des informations du plus haut mtérêt en matière de défense nationale furent traitées par ce système puis analysées par le 544th ARTW.
Brèves visites du Chipmunk Ses capacités de recueil de données étaient
si grandes que le Chipmunk effectuait au-dessus de la zone des combats
des missions qui ne duraient que deux heures. En raison des techniques
avancées dont il avait bénéficié, cet
appareil n'entra en service opérationnel qu'assez tardivement.
Les besoins des États-Unis en matière de collecte de
renseignements étaient d'une urgence telle que, pendant les
deux premières années de sa carrière, le RC-135C
ne put être affecté à des missions spéciales,
comme celles conduites en Asie du Sud-Est. Le 55th
SRW alignait deux KC-135R, qui n'étaient rien d'autre
que des citernes volantes KC-135A modifiées pour la reconnaissance
et qui conservèrent longtemps leurs capacités de ravitaillement
(ces appareils ne doivent pas être confondus avec les KC-135R
actuels, qui sont de véritables avions de ravitaillement en
vol dotés de réacteurs CFM). Disposant d'équipements
spéciaux, les KC-135R devaient être employés dans
cette configuration jusqu'à ce que les objectifs visés
fussent atteints. Par la suite, les systèmes dont ils avaient
été pourvus devaient être démontés
et les avions destinés à d'autres fins. Ils furent d'une
très grande utilité dans les missions Combat Apple,
au cours desquelles ils accomplirent des sorties d'une douzaine d'heures
en moyenne. Plus tard, quand le RC-135C fit son apparition en première
ligne, quelques exemplaires de cette version furent spécialement
équipés pour travailler en liaison avec le système
QRC et rallièrent Kadena, où, trois mois durant, ils
assurèrent la tâche dont avaient été chargés
jusque-là les KC-135R. Ces derniers furent alors affectés
aux 55th SRW et 376th
SW. Réalisé à partir du RC-135C, le RC-135U fut
sans doute la plus élaborée de toutes les plates-formes
d'écoute spécialisées utilisées pendant
la guerre du Viêt-nam et possédait des capacités
relevant presque du domaine de la sciencefiction. Passant trois mois
par an à Kadena, deux exemplaires de cette version suffirent
à couvrir entièrement la zone d'opérations ainsi
que les secteurs chinois et soviétiques. Ils parvinrent à
déceler les modifications survenues dans les signaux employés
pour le guidage des missiles sol-air nordvietnamiens. Parmi les autres avions basés à Okinawa qui orbitèrent au-dessus du golfe du Tonkin à la recherche de renseignements électroniques figura le Combat Lightning, un KC-135A à bord duquel avaient été installés plusieurs émetteurs-récepteurs radio. Les appareils de ce type furent utilisés pour relayer les messages radio envoyés aux avions d'attaque et de sauvetage, et pour s'assurer qu'ils avaient bien été réceptionnés. L'équipement en question pouvait être facilement démonté et placé sur une autre machine, si bien qu'aucun appareil particulier ne fut véritablement affecté à cette tâche spécifique.
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