VIETNAM - LUTTE ANTI GUERILLA ciel de gloire - histoire des as de l\'aviation de 1914 à nos jours



 


 

 



LA LUTTE ANTIGUERILLA

 

 


Alors que leurs avions à réaction de haute technologie bombardaient massivement des objectifs industriels au Viêt-nam du Nord, les Américains étaient impliqués au Viêt-nam du Sud dans une lutte antiguérilla. Cet affrontement avec les rebelles du Viêt-cong dura près de douze années.

Quand les premiers aviateurs américains arrivèrent au Viêt-nam, en 1961-1962, ils y assurèrent des fonctions de conseillers militaires. Forts de l'optimisme qui caractérisa l'ère Kennedy aux États-Unis, ces hommes ne disposaient que d'un matériel issu de la Seconde Guerre mondiale. En partie pour damer le pion aux Green Berets (les Bérets verts), favoris du président des États-Unis, ils s'étaient attribué non sans fierté l'appellation d'Air Commandos (commandos de l'air). Portant des chapeaux australiens, ils étaient bardés de bandes de mitrailleuses et parlaient de remplir la mission pour laquelle ils avaient été envoyés au Viêt-nam du Sud en l'espace de quelques mois seulement. Les avions à bord desquels ils volaient étaient essentiellement des Douglas B-26 Invader et des North American T-28 Trojan. Engagés dans une opération baptisée Farm Gate, les Air Commandos ignoraient qu'ils étaient les premiers parmi les combattants qui allaient vivre un si long et si pénible conflit.


Propulsé par deux moteurs Pratt & Whitney R-2800-103W en étoile de 2 400 ch (1790 kW) actionnant des hélices à pas réversible, le B-26 avait commencé sa carrière opérationnelle pendant la Seconde Guerre mondiale sous l'appellation d'A-26. Il pouvait emporter huit mitrailleuses de 7,62 mm tirant vers l'avant et diverses charges, dont des bombes et des roquettes, qui pouvaient atteindre la masse de 4 535 kg. A une époque où les autorités américaines considéraient la guerre du Viêt-nam comme une agression menée par le Nord contre le Sud, le B-26 Invader apparaissait comme l'arme capable de s'opposer avec efficacité à la guérilla du Viêt-cong, soutenue par Hanoi. Les éléments qu'alignait le Viêt-cong connaissaient bien le pays et constituaient des objectifs mobiles et fuyants difficiles à contrer et à traquer.

Un avion tel que le B-26 connaissait cependant divers problèmes. Les B-26B et RB-26B étaient manoeuvrés par des équipages américains mais portaient les couleurs sudvietnamiennes. Ils se montrèrent d'une assez grande efficacité contre Mister Charles (c'est le surnom que les Américains donnaient au Viêt-cong) mais ne restèrent en fait qu'assez peu de temps au Viêt-nam.

 

T-28 de l'Armée Sud-Vietnamienne
B-26 en 1964 au Vietnam

Photos : www.afa.org/magazine/Dec2005/1205farmgate.asp.


La perte d'un de ces appareils avec son équipage, due à un problème de fatigue de la structure alaire, allait mettre un terme à la carrière de ce type de machines en Asie du Sud-Est au cours de l'année 1964. Une autre version, le B-26K, fut utilisée dans la bataille en 1967, époque à laquelle les Air Commandos avaient été rebaptisés Special Operations Forces, mais l'Invader n'allait plus jouer qu'un rôle mineur dans le conflit vietnamien. Il avait été remplacé au combat par le Martin B-57 Canberra.

La guerre prenant de plus en plus d'ampleur, d'autres avions arrivèrent au Viêt-nam du Sud. Ce furent principalement le Douglas A-1 Skyraider, le North American F-100 Super Sabre, le Republic F-105 Thunderchief et le McDonnell F-4 Phantom. De son côté, le B-57, un bombardier à réaction, allait se révéler d'une remarquable efficacité.

Le 9 avril 1964, douze Canberra appartenant au 13th Bomb Squadron, basé aux Philippines, se posèrent à Biên Hoa. Ils furent suivis quelque temps plus tard par les appareils du 8th Bomb Squadron. Ce fut le Viêtcong qui ouvrit les hostilités en attaquant la base de Biên Hoa au mortier dans la nuit du 31 octobre 1964, détruisant ou endommageant une vingtaine de Canberra au sol. Cet événement dramatique donna le signal l'engagement massif des Américains au Viêt-nam d le début de l'année 1965.

Jusqu'à cette époque, les équipages de Canbec n'effectuèrent que des missions de reconnaissance non armée, au cours desquelles ils repérèrent à plusieurs reprises des éléments ennemis ; mais ils n'étaient pas autorisés à les attaquer. La situation changea lorsq les Nord-Vietnamiens intensifièrent leurs opérations Sud ; la guerre prit alors une ampleur inconnue jusqu'alors. Le 16 mai 1965, la force de Canberra connut une autre catastrophe : à la suite d'une explosion accidentelle, seize avions furent détruits au sol, et vingt-huit hommes trouvèrent la mort. Si le B-57 ne connu que peu de succès au sein de la force aérienne sud vietnamienne de 1965 à 1966, les Américains l'utilisèrent avec de très bons résultats pendant cette période dans des missions de lutte antiguérilla.


B-57 Sud-Vietnamien

 

 

Le Canberra en action

En mission de guerre typique contre le Viêt-cong, le B-57 pouvait emporter neuf bombes de 227 kg sous le fus lage (auparavant, cet appareil disposait d'une soute bombes rotative) et quatre bombes de 340 kg sur d râteliers de voilure. Sa propulsion était assurée par deux turboréacteurs Wright J65, en fait des Armstrong Siddeley Sapphire, de 3 275 kgp, et son armement défensif consistait en quatre canons M39 de 20 mm alimentés chacun à raison de deux cents obus. Les avions de ce type n'arboraient au départ aucun camouflage, mais ils reçurent par la suite une livrée appelée T.O.114 Quelques B-57, utilisés pour des missions d'intrusion nocturnes, eurent leurs surfaces inférieures peintes en noir. Quant aux sorties de reconnaissance, elles furent conduites par des RB-57E Patricia Lynch, qui fure les derniers Canberra à quitter le Viêt-nam, en 1967.

 

B-57B pour les opérations nocturnes


Les missions lancées sur le Viêt-nam du Nord, sur le Laos ou sur le Cambodge furent le plus souvent le fait d'appareils et d'équipages embarqués sur des port avions ou basés en Thailande. Au Viêt-nam du Sud, 1es aviateurs américains opérèrent dans des conditions plus précaires, depuis des aérodromes où la sécurité était difficile à assurer. Les deux catastrophes qui touchèrent la force de Canberra montrent bien à quel point le danger était réel.

Le Viêt-cong pouvait opérer en toute impunité à proximité des bases aériennes américaines, en particulier de nuit. Les conditions de vie des équipages et des équipes de maintenance étaient difficiles, mais elles devenaient franchement dangereuses lorsque se produisaient des attaques du Viêt-cong. Celles-ci impliquaient en général des mortiers et des roquettes B-40, et se traduisaient par des assauts frontaux qui devaient permettre à des sapeurs de s'introduire dans les défenses américaines.

La police militaire de l'US Air Force, mal entraînée au combat, se trouvait ainsi en train d'affronter des guérilleros parfaitement formés. Le Douglas AC-47 Gunship, avec son imposante puissance de feu, se révéla rapidement une arme de première importance dans ce type d'opérations.

La situation était plus particulièrement difficile à Tan Son Nhut, l'aérodrome de Saigon, où les navigants et les équipes au sol de l'Air Force étaient sans cesse sous la menace des tirs de mortiers. Les pilotes s'entraînèrent à décoller et à atterrir sur cet aérodrome en prenant toutes les précautions voulues et sous des angles leur permettant d'éviter le feu de l'ennemi. En 1972, avec l'apparition des missiles portables SA-7 « Grail », la menace se fit encore plus lourde.

 

B-57 se préparant à l'attaque
Attaque d'une base aérienne par l'armée nord vietnamienne.

 

 


Appui rapproché

La tâche que s'étaient donnée les Américains au Viêtnam du Sud était destinée à soutenir le régime corrompu de Saigon contre les entreprises de guérilleros qui se déplaçaient le plus souvent la nuit, se fondaient dans la population le jour et refusaient, systématiquement l'engagement. L'action de l'aviation américaine consista à fournir un appui rapproché aux importantes forces terrestres engagées dans un premier temps contre les éléments du Viêt-cong puis, dans un second temps, contre les divisions d'élite de l'armée nord-vietnamienne. Les aviateurs qui s'exposèrent le plus furent sans doute ceux qui avaient la charge de piloter des avions de contrôle aérien avancé, comme le Cessna O-1 Bird Dog et le Cessna O-2 Skymaster. Ils avaient pour mission de marquer les objectifs auxquels devaient s'en prendre l'artillerie et les avions de combat rapides. D'autres pilotes effectuèrent des missions d'appui-feu et d'interdiction tactique pour le compte des unités terrestres amies à bord d'A-1 Skyraider et de North American F-100 Super Sabre, ces derniers avions se révélant d'une efficacité surprenante.

 

 

 

Le Super Sabre sur le devant de la scène

Après un combat aérien livré en 1965 contre des Mikoyan-Gourevitch MiG-17, au cours duquel ils tirèrent des missiles air-air Sidewinder sans obtenir le moindre résultat, les F-100D Super Sabre ne furent jamais plus utilisés au-dessus du Viêt-nam du Nord. Ces appareils allaient cependant se révéler d'une remarquable efficacité au Viêt-nam du Sud, où leur robustesse, puissance et leur niveau élevé de survivabilité se prétêrent bien à la lutte contre la guérilla du Viêt-cong. A l'été le premier des avions de combat de l'US Air Force à dépasser Mach 1 en vol horizontal, le F-100 fut également le premier des chasseurs de la série dite Cent datant des années cinquante.

Lorsque la guerre du Viêt-nam entra dans sa pl active, le Super Sabre n'avait plus rien de moderne, mais sa puissance de feu n'en restait pas moins appréciable. Doté d'un réacteur Pratt & Whitney J57-P-3 four sait une puissance de 4 535 kgp avec postcombusti il était armé de quatre canons M39 de 20 mm et p vait emporter huit bombes de 340 kg pour des missions d'appui rapproché. Les pilotes de F-100D apprirent à coopérer avec les contrôleurs aériens avancés et se montrèrent d'une redoutable efficacité contre Viêt-cong.
La tâche qu'ils accomplirent au cours de ces sorties fut rarement mise en valeur. Le Colonel George Day qui avait dû abandonner un F-100 en perdition et était tombé entre les mains du Viêt-cong, fut l'un prisonniers les plus maltraités de la guerre du Viêt-nam. Ayant été torturé, il parvint à s'échapper et reçu la Medal of Honor. Comme la plupart de ses équipiers Day était arrivé au Viêt-nam avec un nombre très respectable d'heures de vol, de l'ordre de deux mille cinq cents. Lui et les autres pilotes de Super Sabre figuraient parmi les aviateurs les plus expérimentés de l'US Force.

Bien qu'il fût sujet à de nombreux problèmes, notamment en matière de maintenance, le F-100 était t adapté aux opérations menées depuis des pistes sc mairement aménagées et en environnement tropical.

La contribution des Super Sabre à la guerre du Viet nan fut si importante que, en 1969, les quatre Tacttical Fighter Wings présents sur ce théâtre, les 3rd, 31st, 3 et 37th, avaient accumulé plus de sorties que tous les North American P-51 Mustang construits au cours la Seconde Guerre mondiale. Les F-100D poursuivii leurs missions d'appui jusqu'en juillet 1971, époque laquelle tous les appareils de ce type furent retirés Viêt-nam. A ce moment, les F-4 les avaient en partie remplacés dans ce type de travail, et ce en dépit du que l'US Air Force s'employait à utiliser dans cette tâ des avions plus spécialisés.

 

 


Tweet avec bombes

Le Cessna T-37 Tweet d'entraînement, qui avait permis de former des générations de pilotes aux États-Unis, n'avait rien d'un avion de combat. Les tests conduits au début des années soixante avec la version YAT-37D s'étant révélés positifs, la firme Cessna bénéficia en 1966 d'un contrat concernant la transformation de trente-neuf T-37B d'entraînement en appareils d'attaque. Propulsés par deux réacteurs General Electric J85-GE-5 de 1295 kgp, les avions de ce type furent dotés de huit points d'attache sous voilure, donnant naissance au Dragonfly. Employés pour la première fois au sein du 604th Special Operations Squadron, ils furent ensuite transférés à la force aérienne sud-vietnamienne.
La version améliorée A-37B disposait d'une perche de ravitaillement en vol, d'une plus grande capacité en carburant, de réacteurs J85-GE-17A et d'une Minigun GAU-2B/A de 7,62 mm. Cinq cent cinquante-sept exemplaires furent produits, dont certains furent pris en compte par des forces aériennes d'Amérique latine après que les besoins de l'aviation sud-vietnamienne eurent été satisfaits. Les A-37B furent pilotés par des aviateurs tant américains que vietnamiens, ces derniers éprouvant une certaine fierté à aller au combat avec des appareils capables d'atteindre 830 km/h.

 

 


Autres missions

En dehors des missions de combat au cours desquelles ils tiraient des roquettes et larguaient des bombes ainsi que des bidons de napalm, les aviateurs américains au Viêt-nam furent engagés dans de nombreuses autres tâches. Des Fairchild C-123 Provider de transport furent chargés de répandre des produits défoliants au-dessus de la jungle, mais ils furent également utilisés pour larguer des parachutistes et transporter du fret au profit de postes isolés. Le De Havilland Canada Caribou, aux capacités de décollage et d'atterrissage courts, fut le principal moyen employé pour approvisionner des garnisons perdues au Viêt-nam. Quant au Lockheed C-130 Hercules, il remplit une grande variété de missions. Les sorties de contrôle aérien avancé furent entreprises par des O-1G et O-2A puis par des Rockwell OV-l0A Bronco. Les hélicoptères Bell U-1HP servirent à la guerre psychologique et à d'autres actions spéciales au sein du 20th Helicopter Squadron. L'U-10 Helio Courrier, moins connu, fit de même et lança des tracts dans les zones tenues par le Viêt-cong. Des Convair F-102 Delta Dagger d'interception furent engagés pendant une courte période en Asie du Sud-Est afin d'assurer la défense aérienne du Viêt-nam du Sud. L'un de ces appareils fut descendu par un MiG au cours d'un combat aérien. Des Douglas C-133, des Lockheed C-141, des Lockheed C-5 et des Boeing 707 loués à Pan Am et à d'autres compagnies aériennes se posèrent fréquemment à Tan Son Nhut et à Cam Ranh Bay, y apportant les matériels de guerre nécessaires à l'armée sudvietnamienne. Même des C-141 apparurent dans la zone des combats et furent utilisés pour la calibration des radars et bien d'autres tâches.

 

Aérodrome de Tan Son Nhut


A l'instar de ceux qui vécurent la guerre à bord d'hélicoptères ou de porte-avions ou sur des bases extérieures à ce pays, les hommes qui furent concernés par la lutte antiguérilla quittèrent l'Asie du Sud-Est en 1973. Les sacrifices qu'ils avaient consentis et les efforts qu'ils avaient déployés avaient joué un rôle éminent dans le conflit. Ils étaient parvenus en effet à porter des coups sensibles à l'adversaire. Mais, deux ans après leur retour, le 30 avril 1975, Saigon tomba aux mains des NordVietnamiens. Lorsqu'ils s'emparèrent du Viet-nam du Sud, ces derniers prirent également d'importantes quantités de matériel, dont des A-1, des A-37A, des A-37B et des F-5. Certains de ces avions volent encore aujourd'hui avec l'étoile rouge de la force aérienne vietnamienne.

 

 

Sources :

Avions de guerre numéro 110 ; le combat aérien aujourd'hui : Editions Atlas 1988

 

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