VIETNAM - ENGAGEMENT AMERICAIN ciel de gloire - histoire des as de l\'aviation de 1914 à nos jours



 


 

 



L'ENGAGEMENT AMERICAIN

 

 

Pendant près de dix ans, les Français menèrent en Indochine une guerre des plus épuisantes, avant d'essuyer, à Diên Biên Phu, une écrasante défaite. Oubliant les leçons de l'histoire, les États-Unis jetèrent à leur tour dans le conflit tout le poids de leur énorme puissance militaire. Même s'ils connurent aussi dg cuisants échecs, les Américains n'en engagèrent pas moins, au Viêt-nam, la plus formidable armada aérienne jamais mise sur pied.

Pendant la plus grande partie de la Seconde Guerre mondiale, l'Indochine française resta sous le joug de l'armée japonaise, qui y pratiqua une politique d'occupation des plus sévères. En 1945, les invincibles troupes du Soleil-Levant furent dans l'obligation de déposer les armes, et les Français reprirent possession de leurs colonies du Sud-Est asiatique. Ils se heurtèrent immédiatement à l'opposition du Viêt-minh, dont les forces avaient été armées par les Nippons et qui tenaient la plus grande partie de la province septentrionale du Tonkin. L'armée française concentra dans cette dernière région la plus grande partie de ses moyens et s'employa à y écraser ce qu'elle appelait « la rebellion indochinoise ».

Les forces aériennes françaises envoyées en Indochine mirent en oeuvre un assortiment assez hétéroclite d'appareils de combat comprenant même, du moins dans les premiers mois du conflit, des chasseurs d'origine nippone Nakajima Ki-43 et Ki-55 d'appui tactique. Par la suite, elles utilisèrent Spitfire Mk VIII et Mk IX, des F6F Hellcat, des F8F Bearcat, des De Havilland Mosquito, des Ju 52/3m, des Douglas C-47, Fairchild C-119 et des Piper L-4. A un moment, le président Truman envisagea l'emploi de B-29 Superfortress de l'US Air Force. Devant les réticences de Churchill, Washington renonça à ce projet, mais alors que le destin du corps expéditionnaire français était déjà scellé, les Américains intensifièrent leur aide, expédiant sur place de nouveaux C-119 qui, sous la responsabilité d'un organisme dénommé Civil Air Transport (dans les faits, une compagnie civile fictive composée de pilotes de l'USAF), effectuèrent des missions de transport. Tout cela venait cependant trop tard. La défaite de la garnison de Diên Biên Phu sonna le glas de la présence française en Indochine.

 

 


L'engagement américain

Dès 1950, les Américains avaient envoyé dans cette région une mission militaire baptisée Military Assistance Advisory Group, ou MAAG, qui, après avoir assisté l'armée française, prit en main la constitution d'une armée vietnamienne. Jusqu'à cette époque, l'armée de l'air du régime de Saigon, dirigé d'une main de fer par le président Ngô Dinh Diem, avait bénéficié du concours de conseillers militaires français qui étaient parvenus à mettre sur pied un certain nombre d'unités équipées de F8F Bearcat, d'une vingtaine de C-47 et de quelques Cessna L-19 Bird Dog, de même que de Sikorsky H-19.

En mai 1959, le Nord Viêt-nam fit clairement connaître sa volonté de réunifier les deux Viêt-nam, premier objectif d'une politique qui, en fait, cachait des visées hégémoniques sur l'ensemble de la péninsule indochinoise. Depuis de nombreuses années, le Viêtnam du Sud subissait les assauts d'une guérilla portant le nom de Viêt-cong et soutenue par des troupes régulières nord-vietnamiennes. A cette véritable guerre civile qui dévastait les provinces du Sud, les Américains répliquèrent en envoyant sur place, le 1er septembre 1960, vingt-cinq Douglas AD-6 (qui, plus tard, prirent la désignation de A1H Skyraider) et en augmentant le nombre de leurs conseillers. Certes, ces appareils n'étaient plus guère utilisés par l'US Navy, mais n'en disposaient pas moins d'une capacité offensive considérable : ils étaient capables de transporter une charge militaire de 3 630 kg, répartie sur une quinzaine de points d'attache. Ils renforcèrent de manière importante le potentiel de l'aviation sud-vietnamienne, dont les Bearcat ne pouvaient plus suivre le rythme des opérations. Bientôt, les H-19 furent relevés par des hélicoptères plus modernes et puissants, des Sikorsky H-34 Choctaw de transport.

 

 

 

Nouvelle guerre, nouveaux appareils

La forme de guerre qui se dessinait au Viêtnam alarma très vite les responsables de Washington dont le travail consista à définir une aviation tactique capable de faire face à la guérilla entretenue par le Viêt-cong et le Viêt-nam du Nord. Comme toutes les grandes puissances, les États-Unis s'étaient dotés d'une aviation de type conventionnel, destinée à être engagée dans le cadre d'un conflit majeur : bombardiers stratégiques, avions de transport géants à long rayon d'action, avions à réaction utilisables à partir de pistes en béton d'une longueur minimale de plus de 3 km et à des altitudes dépassant 15 000 m. A présent, l'US Air Force et l'US Navy avaient besoin d'appareils antiguérilla évoluant à partir de terrains sommairement aménagés, avec des charges offensives lourdes et des armements moins sophistiqués, mais d'une très grande précision. Une bonne visibilité tous azimuts et une protection contre le tir des armes légères s'avéraient indispensables. Si de très hautes performances n'étaient pas nécessaires, une excellente maniabilité et un très bon comportement à basse altitude s'imposaient. L'industrie aéronautique américaine se lança immédiaten dans la mise au point d'avions antigué: (Counter Insurgency, ou Co-In) extrapolé machines d'entraînement ou d'appareils légers, ou bien encore provenant d'études spécifiques. Dans les forces armées, des organismes furent mis en place avec la mission de définir une doctrine et les modalités d'une prochaine lutte anti-insurrectionnelle. Ce le cas du Special Air Warfare Center d'Eglin installé sur la base aérienne d'Eglin, en Floride. Ce processus s'accéléra avec l'élection à la présidence de John Kennedy, dont l'administration envisagea, dès le 20 janvier 1961 un accroissement de l'aide américaine Viêt-nam du Sud.

 

 


L'intervention armée

Le 507th Tactical Control Group, bas Shaw AFB, fut la première unité de l'US Force à traverser le Pacifique pour interv dans le conflit vietnamien. Le 5 octobre 1961 elle se trouvait à pied d'oeuvre sur l'aéroport de Tan Son Nhut, tout près de Saigon. semaine plus tard, l'opération Farm ( marquait le départ pour Biên Hoa d'un groupe d'entraînement spécial formé su base d'Eglin. Forte de 151 officiers hommes, cette unité mettait en ligne quatre Douglas RB-26 (désignés plus tard A-26 vader), huit North American T-28D destinés à l'attaque au sol et quatre Douglas SC-47 de transport. Ultérieurement arrivèrent d'autres appareils, comme quatre McDonnell l01C Voodoo, capables d'atteindre deux la vitesse du son et pourvus d'appareils photographiques. Moins d'un mois après, deux unités d'hélicoptères de transport, équipées de trente-deux Vertol-Piasecki H-21 Shawnee, débarquèrent à leur tour, suivies par une trentaine de T-28, que les États-Unis cédaient à l'armée de l'air sud-vietnamie et par des Fairchild C-123 Provider qui augmentèrent les possibilités du transport c la région.

 

 

F-102, F-4 et B-57 au Vietnam

 


Des objectifs diffus

Jamais guerre ne débuta avec un armement aussi mal adapté. Même, la défoliation ne permit pas de révéler les concentrations de troupes et de matériel que s'attendaient à découvrir les Américains sous le fouillis inextricable de la végétation. Il n'existait aucun objectif de caractère industriel susceptible d'être détruit par l'aviation. Aucune aviation adverse non plus. Opérant dans des conditions idéales, les forces nord-vietnamiennes et viêt-cong accentuèrent inexorablement leur pression et étendirent leur emprise non seulement au Viêt-nam du Sud, mais aussi au Laos et au Cambodge. Si bien que le moral connut, tant dans les troupes américaines que dans l'armée sud-vietnamienne, une chute sensible. En outre, la situation politique à Saigon se révélait si confuse que, dès le début de l'année 1964, les chefs d'états-majors combinés recommandèrent une guerre ouverte contre le Viêt-nam du Nord.

Le détonateur de l'action fut une série d'attaques que des vedettes rapides nord-vietnamiennes conduisirent contre les destroyers américains USS Maddox et Turner Joy, dans le golfe du Tonkin, les 2 et 4 août 1964. Dès que les navires adverses furent repérés, le Maddox entra en contact radio avec le porte-avions Ticonderoga, qui fit décoller quatre F-8E Crusader du Squadron VF-53. Les appareils de la Navy assaillirent l'ennemi à la mitrailleuse et à la roquette, coulant l'une des vedettes. Deux jours plus tard, malgré l'obscurité et de mauvaises conditions atmosphériques, deux A-1 Skyraider du VA-52 engagèrent de nouveau le combat avec la marine nord-vietnamienne. Le 5 août, les A-1 et les A-4 des porte-avions Ticonderoga et Constellation effectuèrent un raid massif contre les bases navales nord-vietnamiennes et les dépôts de carburant de Vinh. Puis l'US Navy inaugura la guerre aérienne contre le Viêt-nam du Nord.

 

A-4 décollant du Ticonderoga en août 1964
F-100D du 481 TFS


Le 7 août, le président Johnson, qui était déjà venu au Viêt-nam en tant que vice-président, reçut carte blanche pour mener comme il l'entendait la lutte contre Hanoi. Le 10, le Congrès vota une résolution réclamant de prendre d'urgence toutes les mesures qui s'imposaient. De nouvelles formations partirent alors pour le Sud-Est asiatique, dont deux squadrons de bombardiers Martin B-57, qui s'installèrent à Biên Hoa, et un squadron de chasseurs d'appui tactique F-100 Super Sabre, de même qu'un squadron d'intercepteurs F-102 Delta Dagger, dont 1 appareils se posèrent à Da Nang. En outre d'autres avions furent envoyés sur les bas d'Udorn et d'U-Tapao, en Thaïlande.

 

Défoliation
USS Maddox attaqué en août 1964

 

 


Flaming Dart

Alors que des milliers d'hommes et des milliers de tonnes de matériel étaient expédiés en direction du Viêt-nam, le Congrès préparait le pays à réagir sur une grande échelle toute attaque communiste. Le 2 novembre 1964, six B-57 furent détruits par le Viê cong. Puis, au cours de la nuit de Noël, un autre raid fit plusieurs victimes parmi les officiers américains logés dans un hôtel de Saïgon. Enfin, le 7 février 1965, des obus demortier furent tirés contre la base de Pleiku et touchèrent les installations voisines de Camp Holloway. Le même jour, les unités aériennes basées à terre reçurent l'ordre de mettre en oeuvre un plan de représailles baptisé Flaming Dart. Les mauvaises conditions atmosphériques dues à la mousson différèrent cependant cet assaut, mais des avions décollant des porte-avions Coral Sea, Ranger et Hancock parvinrent à porter des coups contre les casernes de Dong-Hoi et de Vit Thuu, au nord de la zone démilitarisée. Dans les jours qui suivirent, le Viêt-cong s'en prit à la base aérienne de Soc Trang, et il infligea de lourdes pertes aux Américains en attaquant plusieurs de leurs casernes. La réponse de ces derniers fut immédiate et se traduisit par l'opération Flaming Dart II, qui se révéla inefficace en raison d'un temps exécrable. A cette occasion, les Américains employèrent des bombes à retardement Snakeye, qui laissaient une ou deux secondes aux avions pour s'éloigner avant l'explosion, ce qui avait pour effet de leur éviter de subir des dommages.

En 1965, le Laos, sous la pression du Pathet Lao (le parti communiste laotien, soutenu par Hanoi), se trouva à son tour entraîné dans le conflit. Sans perdre de temps, les États-Unis envoyèrent sur place des avions d'entraînement et d'attaque T-28, tandis que, dès le 14 décembre 1964, le président Johnson ordonnait le déclenchement de l'opération Barrel Roll, destinée à soutenir l'action de l'armée royale laotienne. Malheureusement, les sorties opérationnelles de cette petite force aérienne furent limitées par la Maison Blanche à deux par semaine.

 

 

FLAMING DART

Le Président des Etats-Unis, Lyndon B. Johnson ordonne, en février 1965, une série de raids de représaille après que plusieurs bases américaines aient été attaqués par le Vietcong à Pleiku. Cette opération doit constituer le point de départ d'une attaque en 3 phases, la première devant débuter en décembre 1964 par le bombardement du Laos (Operation Barrel Roll).

L'escalade dans l'importance des moyens engagés dans le conflit vietnamien commence officiellement le 31 janvier 1965 lorsque le 18th TAC Fighter Squadron basé à Okinawa est envoyé à Danang AFB. Un départ sur alerte est décrété sur la base de Kadena AFB à 3 heures du matin et les pilotes de F-105 sont déployés à partir de leur base d'Okinawa au Vietnam dès le lendemain matin avec leurs équipes de soutien. Les nouveaux arrivants se joignent aux unités plus petites déjà présentes sur place. Les opérations sont alors en route pour le déclenchement de la première phase de l'opération Flaming Dart.

49 sorties sont effectuées à l'occasion de l'opération Flaming Dart I qui se déroule finalement le 7 février 1965. L'opération Flaming Dart 2 voit quant à elle le déroulement de 99 sorties le 11 février 1965. En réaction à l'opération Flaming Dart I, les Vietcong attaquent un hotel dans lequel réside des ressortissants américains. L'opération Flaming Dart I visait la base Nord Vietamienne de Dong Hoi, alors que la seconde opération visait les voies de communications et la logistique du Vietcong en zone démilitarisée.

La réaction américaine à l'escalade voulue par le vietcong ne devait pas se limiter au bombardement du Nord Vietnam. Washington autorisa aussi les unités aériennes à engager toutes les cibles potentielles dans le Sud. Le 19 février, des de l'U.S. Air Force réalisèrent la première opération de soutien des troupes au Sud Vietnam. Le 24 février, les Jets menèrent de nouvelles attaques afin de contrer l'ambuscade menée contre la Central Highlands avec une série d'attaques tactiques.

Les opérations Flaming Dart seront plus tard suivies de l'opération Rolling Thunder, opération qui marquera le début d'une très longue campagne de bombardement de 64 mois, débutée le 2 mars 1965.

 

 

Le tonnerre éclate

En mars 1965 s'ouvrit cependant une campagne qui eut des effets réels sur le Nord Viê nam, en dépit des restrictions que le gouvernement américain imposait encore à son aviation. Dénommée Rolling Thunder, cette offensive visait à la destruction d'objectifs situés au sud du 19e parallèle par des actions aériennes mesurées et limitées. L'intention des Américains était de briser la volonté de combattre des Nord-Vietnamiens et d'empêcher par là même l'effondrement du Viê nam du Sud. En fait, cet espoir était tout à fait illusoire, et ce, pour plusieurs raisons d'une part, et cela reste indubitable, la résistance morale des Nord-Vietnamiens se révéla supérieure à celle des Américains et de leurs alliés sud-vietnamiens ; d'autre part, comme on l'a précisé auparavant, il y avait très peu d'objectifs justiciables d'une action aérienne majeure. Contrairement à ce qui s'était produit pendant la Seconde Guerre mondiale, l'aviation américaine n'avait en face d'elle ni armées terrestres puissantes, ni flottes, ni usines d'armements. Il existait peu de grandes villes et, lorsque c'était le cas, les équipages de la Navy ou de l'Air Force avaient reçu l'ordre formel de les épargner. Ainsi, alors que les statisticiens installés derrière leurs ordinateurs à Washington notaient les résultats encourageants obtenus au Viêt-nam, les aviateurs américains, militaires de carrière d'un très haut niveau, étaient lancés dans des raids contre des buts dont la localisation géographique et parfois même l'existence étaient inconnues.

Les avions américains ne devaient sous aucun prétexte survoler Hanoi ni les centres urbains importants du Nord Viêt-nam ; il en allait de même pour les aérodromes militaires sur lesquels les bombes risquaient de toucher des conseillers chinois ou soviétiques. Les sites de lancement de missiles sol-air, ou SAM (surface-to-air missile), entraient eux aussi dans cette catégorie, tout comme les digues qui retenaient l'eau destinée aux rizières et autour desquelles les Nord-Vietnamiens avaient disposé d'impressionnante: concentrations d'artillerie antiaérienne. Le pire dans tout cela, c'était que les objectifs les modalités des attaques et leurs détailsétaient définis à Washington, ce qui excluait toute opération montée de manière soudaine contre un objectif d'opportunité. Cette conduite à distance de la bataille empêcha le commandement local de faire montre de la moindre initiative en la matière, et contraria l'élaboration d'un plan coordonné.


 

ROLLING THUNDER

L'opération Rolling Thunder aura duré 44 mois, s'étallant du 2 mars 1965 au 1 novembre 1968. Bien que du côté américain cette opération se soit soldée par la perte de 835 hommes (tués, capturés ou disparus), contre 20 000 soldats Nord-Vietnamiens et 72 000 civils, les objectifs stratégiques recherchés ne seront pas atteints.

Débutée en mars 1965, cette opération d'envergure doit consister en un bombardement d'intensité croissante sur le Nord-Vietnam avec le concours de l'USAF, de la Navy et des Forces Aériennes Sud Vietnamiennes. Les objectifs, qui évolueront avec le temps, sont alors au nombre de 4 ; Peser sur le moral du gouvernement de Saigon, convaincre le Nord de cesser le soutien apporté à l'insurrection dans le Sud, détruire les voies de communication, le système industriel et les moyens de défense anti-aérien et interdire l'acheminement des hommes et du matériel vers le Sud Vietnam. Rendue difficile par les nombreuses contraintes imposées aux Forces présentes sur le terrain, la situation l'était encore plus du fait de l'approvisionnement constant des forces Nord-Vietnamiennes par les autres puissances communistes, l'URSS et la Chine. L'opération Rolling Thunder ne trada pas à devenir l'opération de destruction la plus intense depuis le début de la guerre froide. Malgré la puissance de feu engagée, le caractère très nouveau et inhabituel des cibles ne permit pas d'atteindre les objectifs attendus et ceci malgré la sophistication croissante des moyens employés.

La première mission se déroule le 2 mars lorsque des appareils s'en prennent au dépot de munnition de Xom Bang. Le même jour, 19 A-1 Slyraider de la force Aérienne Sud Vietnamienne attaquent la base navale de Quang Khe. Le choc est rude avec la perte, dès le premier jour, de 6 appareils, même si 5 hommes peuvent être secourus. D'importance croissante, ce qui caractérisait l'opération Rolling Thunder était plus la volonté d'influer sur le comportement du Gouvernement Nord Vietnamien en affichant une réalle détermination que les destructions proprement dite. Cette volonté de ménager un dialogue éventuel devait se traduire dans les faits par une conduite à distance des opérations et par l'intriduction de règles d'engagement très contraignantes et resctrictives. C'est ainsi que la ville d'Hanoï et de Haiphong ne devaient être en aucun cas survolé et attaquées avec une zone d'exclusion de 60 km pour la première et 19 km pour la seconde. De la même manière, afin d'éviter tout incident avec la Chine voisine, une bande de 60 km de large interdisait toute approche de la frontière Chinoise. Alors que les bases aériennes Nord Vietnamiennes constituaient en toute logique des objectifs prioritaires, celles-ci furent aussi considérées comme hors limite.

Alors que l'état major souhaitait imposer un blocus du Nord par le minage du port d'Haiphong, les politiques refusèrent ce plan afin de ne pas provoquer les puissances du bloc de l'Est. Il faudra attendre 1972 pour voir la levée de toutes ces restrictions qui ôtaient toute efficacité aux actions entreprises.

La plupart des attaques menées au cours de l'opération Rolling Thunder seront lancées depuis les bases Thailandaises de Korat, Takhli, Udon Thani et Ubon. Les appareils engagés avaient la possibilité de se ravitailler au-dessus du Laos avant de prendre la direction de leurs objectifs. A la fin de la mission, les pilotes pouvaient regagner directement la Thailande ou en cas de problème gagner le Golf du Tonkin dans lequel croisait l'US Navy et ainsi être secouru en cas d'abandon de leur appareil. Très vite, une répartition de l'espace aérien entre l'USAF et l'USN se met en place. Ainsi, le Nord Vietnam est divisé en 6 secteurs que se partagent l'USAF et l'USN sans que les deux forces ne s'y croisent.

 

 

 

Le pont de Ham Rong, près de Thanh Hoa, sera ainsi l'objet de nombreuses attaques de la Navy. Menée par les appareils de la Task Force 77, les attaques de la Navy étaient essentiellement dirigées contre des objectifs côtiers en raison de la plus faible autonomie des appareils embarqués.

Le 3 avril, le chef d'état-major parvient à convaincre le pouvoir politique de déclencher une offensive soutenue de 4 semaines contre les voies de communication du Nord afin d'isoler le pays et le priver ainsi du ravitaillement russe et chinois. Un tiers du matériel était alors acheminé par voie de chamin de fer en provenance du Nord et deux tiers par voie maritime. Ainsi, pour la première fois depuis le début de la guerre, les objectifs allaient être déterminé en fonction de leur intérêt stratégique et non en fonction de leur impact psychologique. Au cours des 4 semaines qui suivront, 26 ponts et 7 navires seront détruits. De nombreux autres objectifs seront aussi détruits comme les stations radar, les dépôts de munitions et autres casernes ou dépôts. Alors que le total des sorties était de 3600 pour le mois d'avil, il passera à 4000 pour le mois de mai. Peu à peu, avec la destruction d'un nombre croissant d'objectifs fixes, des missions de reconnaissance armées engageant un petit nombre d'appareils furent mise sur pied afin de débusquer les objectifs mobiles, convois et autres installations provisoires. La part de ses missions de reconnaissance armées augmenta de manière importante avec le temps passant de 2 à 200 à la fin 1965, permettant ainsi de s'affranchir des règles complexes d'engagement et d'organisation de missions plus conventionnelles.

Alors que les américains espéraient avoir envoyé un message fort, la réponse faite le 8 avril par les autorités Nord-Vietnamiennes à la demande américaine d'ouverture de négociation mirent rapidement en évidence l'absence totale d'éfficacité de l'opération Rolling Thunder à ce stade de son déroulement. Cinq jours plus tôt, le premier affrontement entre l'USAF et les Forces Aériennes Nord-Vietnamiennes avait eu llieu lorsque des MiG 15 avaient attaqué des appareils américains.

Le 8 mars 1965, 3500 Marines avaient pris position à Da Nang afin d'assurer la protection des aérodromes situés dans le Sud du pays. Très vite, la mission initiale de protection sera étendue, signant le début de l'engagement terrestre au Vietnam et le début de l'escalade dans le déploiement des troupes dans tout le Sud du pays.

En date du 24 décembre 1965, les américains ont déjà perdu 170 appareils dans l'opération (85 USAF, 94 USN, 1 USMC)? L'USAF a réalisé 25971 sorties et largué 32063 tonnes de bombes. De son côté, l'USN a réalisé 28168 sorties et largué 11144 tonnes de bombes. La Force Aérienne Sud Vietnamienne qui a perdu 8 appareils a réalisé de son côté 682 sorties.

Le 5 avril 1965, les appareils de reconnaissance américain découvrent que les Nord Vietnamiens construisent des sites de lancement de missiles SAM. Malgré les demandes d'autorisation faites auprès de Washington pour détruire ces sites, les mêmes restrictions de zone sont appliquées à ces sites. Comme il fallait s'y attendre en de telles circonstances, un premier F-105 est abattu le 24 juillet par un SA-2 (Maj W J Mc Clelland - Secouru). Trois jours plus tard, l'autorisation de mener une attaque contre les deux sites identifiés est enfin accordée. Lorsqu'ils arraivent sur place pour détruire les sites, les américains tombent dans un piège soigneusement élaboré par les Vietnamiens qui ont déployé dans le secteur un nombre considérable de pièce d'artillerie anti-aérienne. La mission tourne au désastre et les américains perdent 6 appareils avec deux pilotes tués, 1 disparus et deux prisonniers (Cpt Walter B Kosko - 536 TFS - Disparu (meurt noyé dans une rivière) / Maj Jack Graham Farr - 357 TFS - tué / Cpt William J Barthelmas - 357 TFS tué / Cpt Kile Dag Berg - 563 TFS - Prisonnier / Cpt Robert Baldwin Purcell - 12 TFS - Prisonnier / Cpt Frank J Tullo - 12 TFS - Indemne).

Le 29 juin 1965, les attaques contre les complexes pétrochimiques sont enfin autorisés par le président Johnson. Les premières attaques permettent de remporter d'importants succès que la CIA estime à hauteur de 70% de destruction des infrastructures pour la perte de 43 appareils. Dans la réalité, le succès est loin d'être aussi significatif, les Nord Vietnamiens ayant anticipé ces attaques et ayant dispersé leurs réserves afin de les rendre moins vulnérables. Les attaques seront finalement interrompues le 4 septembre après que les services de renseignement aient confirmé le peu d'efficacité réelle des attaques menées.

 

 

L'opération Rolling Thunder mettra par ailleurs en évidence les problèmes de commandement, les forces aériennes de la 2eme Division (remplacée le 1 avril 1966 par la 7eme Air Force) étant placées sous la responsabilité du General William C. Westmoreland pour qui l'essentiel du problème se situait dans le Sud. De même, les appareils de la Navy, eux-aussi subordonnés au commandement de Westmoreland disposait d'un commandement complexe qui en diminuait l'efficacité sur le terrain. L'autre grand problème que mit en évidence l'opération Rolling Thunder était l'inadaptation des Forces Aériennes dans leur globalité à la mission qu'elles devaient assurer et qui étaient très différentes de celles pour lesquelles elles avaient été structurées et équipées, à savoir des missions stratégiques contre le bloc communiste. Le déroulement de la campagne devait rapidement mettre en évidence un degré de préparation et d'adaptabilité de la Navy bien supérieur à celui de l'Air Force. Dotée d'appareils modernes, équipés de missiles et dotés de capacités tout temps, la Navy peut s'appuyer sur ses A-6 Intruder et autres F-8 Crusader pour mener à bien sa mission. Par ailleurs, si les premiers équipages de l'Air Force envoyés au Vietnam pour une période d'1 an étaient généralement très expérimentés, les rotations suivantes firent appel à des pilotes plus jeunes. Le problème sera plus tard en partie résolu par la possibilité qui sera offerte aux pilotes ayant déjà réalisé un tour d'opération d'en effectuer un second, voir un troisième souvent au sein d'une unité dotée d'un type d'appareil différent que lequel les équipages ont effectué leur conversion dans l'intervalle.

Une autre difficulté avec laquelle devront composer les forces aériennes reste le temps et la mousson qui durant 8 mois de l'année venait géner les opérations aériennes. Très vite, l'ensemble du territoire Nord-Vietnamien et plus particulièrement les alentours de secteurs stratégiques allaient devenir le repère de défenses anti-aériennes à la concentration jamais atteinte. Au début de la campagne Rolling Thunder, le Nord Vietnam disposait de 1500 pièces de DCA de 37 et 57 mm pour l'essentiel. En moins d'1 an, ce nombre passera à 5000 parmi lesquelles des canons de 85 mm et 100 mm guidés par radar. Ce chiffre sera estimé à 7000 en 1967 pour redescendre à 1000 en 1972. Au cours de l'opération Rolling Thunder, 80% des pertes seront ainsi attribuées à la DCA.

La Force Aérienne Nord Vietnamienne n'est alors constituée que d'une poignée de MiG 15 et MiG 17 dont on dénombre à peine 53 exemplaires. Malgré leur nombre restreint, les MiG parviendront à leurs fins en obligeant parfois les pilotes américains à larguer leurs bombes avant d'avoir atteint leurs objectifs. En 1966, de nouveaux MiG 21 viendront se joindre aux autres appareils et en 1967 la Force Aérienne compte une centaine d'appareils dont beaucoup sont basés en Chine, hors de portée des appareils américains.

Très vite, comme l'avait fait les allemands pendant la seconde guerre mondiale, le reseau industriel est fragmenté et réparti dans tout le pays afin de le rendre moins vulnérable. Malgré les dommages causés, l'implication de toute la population permetrra généralement d'effectuer les réparations dans des délais très brefs. Galvanisés par un esprit patriotique très fort, la population constituera la principale force du Vietnam. En 1965, 97 000 volontaires seront affectés à la réparation des dommages causés par les bombes américaines alors que 370 000 à 500 000 personnes participent occasionnellement à ces travaux. C'est ainsi que l'essentiel de la population prendra une part active à la défense du pays en réparant les dommages ou en acheminant des vivres, du matériel et des munitions.

 

 

Avec l'introduction des SAM, les pilotes se trouvèrent rapidement confronté à un nouvea dilemne. Soit ils effectuaient leur approche à basse altitude afin d'éviter les missiles mais en s'exposant au feu nourri des armes légères, soit ils approchaient à haute altitude mais s'exposaient aux SAM. Avec l'introduction des contre mesures électroniques, le taux d'efficacité des SAM deviendra plus faible. Ainsi, le taux de réussite des SAM passera de 1 avion abattu pour 30 SAM tirés à 1 pour 50 SAM. Malgré les efforts consentis par les Etats-Unis pour détruire les voies de communication, jamais les batteries de SAM ne souffriront d'une déficit en approvisionnement de missiles. En 1967, les Nord Vietnamiens avaient constitué 25 Bataillon de missile (avec 6 lanceurs par bataillon) qui étaient deployés alternativement sur 150 sites aménagés. Par ailleurs, les russes fournirent aux Nord Vietnamiens plus de 200 installations radar permettant de déclencher dans un délais très bref les défenses appropriées. En 1966, les Etats-Unis perdront 248 appareils (145 USAF, 102 USN et 1 USMC).

Face à l'intensification des moyens de défense du Nord Vietnam, les américains ,e vont pas tarder à mettre en place de nouvelles tactiques d'attaque qui reposent sur l'organisation de larges forces combinées comprenant des appareils aux missions complémentaires. C'est ainsi qu'au coté des appareils d'attaque classiques volent désormais des appareils dont la mission consiste à détruire les sites de missiles et les batteries de DCA avant l'arrivée du gros des troupes. Confiées aux équipages Wild Weasel, ces missions restent très danereuses et seront à l'origine de nombreuses pertes. La destruction des batteries de DCA est désignée sous le terme de mission Iron Hand. Equipés de missiles AGM-45 Shrike qui se calent sur l'émission radar des batteries SAM, les appareils Wild Weasel ouvrent quant à eux la voie pendant que des chasseurs assurent la protection haute du dispositif à travers des missions MIGCAP.

Si dans la Navy le principe d'organisation des missions reste le même, la destruction des défenses n'est pas spécifiquement confiée à des équipages et des appareils spécialisés. Enfin, en couverture de ce dispositif d'attaque, chaque groupe dispose d'une force de sauvetage dotée d'hélicoptères et de Skyraider d'appui et bénéficie du soutien des avions ravitalleurs qui attendent au-dessus du Laos et dans le Golf du Tonkin.

 

 

Jusqu'à la fin de 1967, la politique d'exclusion de certaines zones restera de mise, réduisant d'autant l'efficacité des frappes de plus en plus nombreuses. En 1967, les Etats Unis perdent 362 appareils (208 USAF, 142 USN, 12 USMC). Au cours des années 1967 et 1968, la mission Rolling Thunder va tenter d'interrompre l'approvisionnement des troupes du Nord Vietnam et du Vietcong en détruisant les infrastructures sans jamais y parvenir. Si une grande partie des pertes sont encore liées à la DCA légère, la part des appareils abattus par les SAM et surtout par les MiG ne cesse de croître aussi. Rapidement, les MiG font peser une menace d'autant plus grande que l'absence de couverture radar suffisante sur le delta du Mékong leur permet de lancer des attaques surprises. Tandis que les F-105 parvenaient à abattre 27 chasseurs Nord-Vietnamiens en 1967, le nombre total d'appareils de tous types perdus du fait des MiG était identique. En janvier 1967, afin d'inverser cette tendance, une ambuscade devait être organisée par l'USAF sous le nom de code Bolo. Des Phantom II équipés de leurs électroniques reproduisant la signature d'un F-105 d'attaque au sol et employant les tactique de vol des F-105 attirèrent des MiG dans un piège. Volant à basse altitude, hors de portée des radars adverses, d'autres appareils attendaient l'intervention des MiG avant de jeter à leur tour sur eux. Marchant à la perfection, le piège permet aux américains d'abattre 7 MiG en 12 minutes sans perte du côté US.

A la fin de l'année, une intense opération de bombardement est lancée dans le but d'amener les Nord Vietnamiens à négocier. La liste des objectifs est étendue et seules les villes de Hanoi et Haiphong et la fonrtière Chinoises sont encore exclues. Le complexe sidérurgique de Thai Nguyen près de Hanoï est bombardé. A ce stade de la bataille, les MiG commence à intervenir en nombre et le ratio des pertes s'inverse doucement avec 2 MiG abattus pour 1 appareil américain. Au cours de l'année 1968 les MiG seront responsables de 22 % des pertes aériennes US qui s'élèvent à 184 appareils (75 USAF, 59 USN, 5 USMC). A ce stade du conflit, l'attaque des bases aériennes Nord Vietnamiennes est enfin autorisée.

Malgré l'intensification des attaques, les Nord Vietnamiens et le Vietcong parviennent à déclencher une large offensive sur tout le territoire du Sud Vietnam à l'occasion de la fête du Tet. Si l'opération provoque d'énormes pertes dans les rangs des assaillants sans parvenir à causer des destructions majeures, l'impact sur l'opinion public sera si fort qu'il conduira au désengagement progressif des Etats-Unis du bourbier Vietnamien. Compte tenu de l'absence de volonté d'engager les B-52 au-dessus du Nord Vietnam à ce stade de la guerre et en raison de l'arrivée de la mousson, aucune contre offensive ne sera lancée après l'offensive du Tet alors que les Nord Vietnamiens et le Vietcong étaient plus faibles qu'ils ne l'avaient jamais été. Dès lors, l'idée d'une victoire militaire au Vietnam devient illusoire. Encouragé par la demande de pourparler du Nord, Johnson annonce finalement l'arrêt lotal des bombardements au-delà du 19eme paralèlle le 31 mars 1968. De fait, tous les moyens sont concebtrés sur une zone comprise entre le 17 et le 19eme parallèle, permettant d'attaquer de manière systématique toutes les infrastructures d'apparovisionnement. Malgré le redéploiement des moyens anti-aériens sur cette zone, de nombreuses batteries de SAM restent déployées autour de Hanoi et Haiphong. Bien que les dirigeants Nord Vietnamiens aient toujours annoncé refuser toute négociation tant que les bombardements continuaient, ils acceptent d'entamer des négociations qui se tiennent à Paris. A cette occasion, Johnson annonce l'arrêt de tous les bombardements à compter du 1er novembre 1968, juste avant la tenue des élections.

Entre mars 1965 et novembre 1968, l'USAF aura réalisé 153 784 sorties sur le Nord Vietnam alors que la Navy et l'USMC en réaliseront 152 399. Un total de 864 000 tonnes de bombes avaient été largué. A titre de comparaison, la guerre de Corée vit le largage d'un total de 653 000 tonnes de bombes et la guerre du Pacifique, de 1941 à 1945 avait vu le largage de 503 000 tonnes de bombes.

Un total de 506 avions de l'USAF, 397 de l'USN et 19 de l'USMC seront perdus. Sur les 745 hommes d'équipages perdus par l'USAF, 145 seront secourus, 255 tués et 222 capturés (sur lesquels 23 décèderont en captivité). La Navy perdra de son coté 454 aviateurs. Pourtant, au regard des pertes subies pendant la seconde guerre mondiale et en Corée, le ratio des pertes reste beaucoup plus faible puisque pour l'intégralité de la guerre du Vietnam, le taux de pertes sera de 0,4 % contre 2% pendant la guerre de Corée et 9,7 pendant la seconde guerre mondiale, et ceci en raison notamment du développement des missions de sauvetage héliportées.

Tirant les enseignements de cette première phase du conflit au cours de laquelle des chasseurs subsoniques parviendront à tenir tête au moderne F-105, alors fleuron de l'USAF, la Navy et l'USAF mettront sur pied une politique d'entraînement au combat beaucoup plus réaliste qui débouchera sur l'ouverture de la fameuse école Top Gun de la Navy et sur les exercices Red Flag de l'USAF. Si pour l'USAF les combats de 1972 ne permettront pas de tirer le bénéfice de cette nouvelle approche tactique, en revanche les pilotes de la Navy sauront pleinement tirer profit de ce nouveau programme

 

 

 

 

 

Sources :

Encyclopédie de l'Aviation ; Editions Atlas

 

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