|
|
Opération "VENGEANCE"
Le Raid du 18 avril 1943
Les préparatifs Un an après le raid historique de James Doolittle sur Tokyo, le 18 avril 1942, une autre opération spectaculaire allait faire du 18 avril 1943 une nouvelle date historique. Depuis le début de l'année 1943, les cryptographes de l'US Navy ont découvert le code secret des Japonais. Les américains sont donc au courant des faits et gestes de leurs adversaires. C'est ainsi que le 13 avril, l'Amiral Nimitz apprend que l'Amiral Isoroku Yamamoto, Commandant en chef de la Flotte Combinée et organisateur de l'attaque sur Pearl Harbor, doit effectuer une tournée d'inspection dans les iles Solomons le 18 du même mois. Cette inspection intervient dans le cadre du lancement de l'opération I-GO qui, démarée le 7 avril, doit permettre de booster le moral des troupes Japonaises particulièrement éprouvées lors des combats de Guadalcanal. Le décodage du message original (NTF131755), addressé aux commandants des fes 11eme Flotte et 26 eme flotte, permet même de connaître avec exactitude l'emploi du temps de Yamamoto :
Les Américains entrevoient là une possibilité inespérée d'intercepter et d'abattre l'appareil de Yamamoto et bien qu'il ne dispose que de peu de temps pour mener l'opération, ils décident de tout mettre en oeuvre pour y parvenir. La plannification de l'opération est assurée par le Lt. Col. Luther S. Moore, de l'USMC qui se fait aider par le Major John W. Mitchell, commandant du 339 th Fighter Squadron pour la navigation proprement dite. Il est décidé que l'interception aura lieu à 9 h 35, soit 10 minutes avant l'arrivée prévue sur Ballale (soit 7 h 45 heure locale). L'opération, baptisée "Vengeance", doit mettre en oeuvre 18 Lockheed P-38F et P-38G "Lightning" du 339 th Fighter Squadron / 347 th Fighter Group (Bien que le 339 th Fighter Squadron soit officiellement chargé de la mission, 10 des 18 pilotes sélectionnés sont enfait issus des autres Squadrons du Group). Se sont à l'époque, les seuls appareils en mesure de parcourir la distance nécessaire à l'accomplissement de cette mission, les Corsair et Wildcat n'ayant pas une autonomie suffisante. L'appareil est armé d'un canon de 20 mm et de quatres mitrailleuses de 12,7 mm. Pour y parvenir, chaque P-38 sera toutefois équipé d'un réservoir supplémentaire de 625 litres (165 Gallons US) et d'un autre de 1136 litres (310 Gallons US - au lieu des deux réservoirs de 165 Gallons habituellement utilisés sur cet appreil) afin de pouvoir couvrir la distance de 800 km qui séparent les appareils du point d'interception. Les réservoirs sont installés de manière non symétrique sous les ailes de manière à compenser la différence de atille et de ne pas perturber les paramètres de vol. Même avec ce surplus d'essence, la marge de manoeuvres reste faible puisque les appareils ne disposeront que de 15 minutes pour agir. La coordination et le timing de l'interception doit être parfait de même que celui de l'Amiral si les Américains veulent espérer mener leur mission à bien.
Les 18 appareils, conduits par le Major John Mitchell doivent opérer en deux groupes : un groupe de 4 appareils doit attaquer l'appareil de Yamamoto pendant que les quatorze autres (dont 2 pilote en plus en cas d'abandon pour raisons divers) doivent s'occuper des chasseurs d'escorte et prévenir l'intervention des chasseurs Japonais de la base de Kahili toute proche de la zone d'interception. Les pilotes sont répartis en fonction de leur habilité au tir afin d'optimiser les chances d'abattre le bombardier de Yamamoto. Afin d'éviter le repérage de la formation US par les radars et les stations météo Japonaises implantées dans le secteur, les P-38 doivent effectuer une grade partie du trajet au ras des flots, sur une distance d'environ 700 km, en passant au Sud des Iles Solomons.
A 7 heures 25, le 18 avril 1943, les 18 Lightning décollent de Guadalcanal. Très vite, deux avions du grouep de 4 appareils chargés d'attaquer les bombardiers sont obligés de faire demi-tour pour des ennuis mécaniques tandis que les autres poursuivent leur route. Une rapide réorganisation du dispositif est décidée par le chef d'unité afin de reconstituer le groupe d'attaque. Celle-ci comprend désormais le Cpt Thomas G Lanphier, le Lt Rex Barber, le Cpt Besby Holmes et le Lieutenant Raymond Hine. Dans le même temps, à Rabaul, malgré les réticences du commandement Japonais qui craint une ambuscade, l'appareil de Yamamoto s'envole pour un voyage d'environ 500 km. Les bombardiers volent à 2000 mètres (6 500 pieds) pendant que les chasseurs d'escorte volent 400 mètres plus haut (1 500 pieds) et légèrement en arrière en deux formation en V de 3 appareils. Volant à l'estime, les pilotes américains se dirigent inexorablement vers leur cible pour ce qui restera, tout au long de la deuxième guerre mondiale, la plus longue mission d'interception. Cette mission se distinguera aussi par son très haut degré de précision puisque c'est à 9 h 34 exactement, soit une minute avant l'horaire prévu, que le Capitaine D.S. Canning repère la formation ennemie au milieu d'une légère brume. Yamamoto est bien au rendez-vous. Il y a là deux bombardiers de type Mitsubishi G4M2 "Betty" du 205° Kokutai et 6 chasseurs Zero du 204° Kokutai. Mitchell ordonne immédiatement à ses hommes de larguer leurs réservoirs supplémentaires et de tourner sur la droite pour se placer parallèlement aux bombardiers tout en débutant une ascension à pleine puissance. Le Lt Holmes qui ne parvient pas à se débarrasser de ses réservoir plonge vers la mer, suivi par son ailier, le Lt Hine. Mitchell appelle Lanphier et Barber par radio pour leur demander d'engager le combat et les 2 appareils commencent à virer pour se diriger vers les 8 appareils Japonais.
Ayant repéré les chasseurs Américains, les chasseurs Japonais larguent eux aussi leur réservoirs et commencent à grimper derrière les deux P-38. Lanphier, fait alors volte-face et fonce sur les chasseurs pendant que Barber se lance à la poursuite des deux bombardiers qui tentent de s'échapper en plongeant au ras des arbres pour ne redresser qu'à 60 mètres d'altitude. Barber qui perd lui aussi rapidement de l'altitude perd de vue les appareils pendant quelques fractions de seconde et lorsqu'il les aperçoit à nouveau, il se trouve juste derrière à portée de tir. Le bombardier se dirige vers l'intérieur des terres alors que le second a obliqué à 90° vers la mer. Il commence à faire usage de toutes ses armes, observant des impacts dans le moteur droit du premier bombardier qui se trouve juste devant lui. Il atteint l'arrière de la carlingue ainsi que l'empennage. Puis il atteint le moteur gauche et le "Betty" ne tarde pas à embarquer d'un coup sur la gauche, manquant de percuter l'appareil de Barber. Regardant derrière, il aperçoit une colonne de fumée noire, indiquant que l'appareil venait de s'écraser dans la jungle. Les trois chasseurs qui ont accompagné les bombardiers dans leur fuite sont impuissants et ne peuvent empêcher la destruction du bombardier. Barber se dirige alors vers la côte, à hauteur des arbres, à la recherche du deuxième bombardier, ne sachant pas encore si celui qu'il vient d'abattre était celui qui transportait Yamamoto. Aux prises avec les chasseurs de l'escorte, Lanphier et Barber manoeuvrent avec adresse et surprennent les chasseur Japonais par leur aggressivité
Barber aperçoit finalement le second bombardier volant au ras des flots du coté de la pointe de Moila juste au moment ou Holmes (dont les réservoirs ont fini par se détacher) et Hine sont en train de l'attaquer. Holmes parvient à endommager le moteur droit du "Betty" qui commence à emettre une trainée de vapeur et alors qu'accompagné de Hine il poursuit le bombardier endommagé dans lequel se trouve le Vice Admiral Matome Ugaki et une partie de l'Etat-Major de Yamamoto, Barber passe à l'attaque à son tour et achève le bombardier qui s'écrase en mer. Miraculeusement Ugaki et deux autres passagers échappent à la mort et seront secouru peu après. A ce moment là, Barber, Holmes et Hine sont attaqués par les chasseurs Japonais. L'appareil de Barber reçoit 140 impacts alors que celui-ci, de même que Holmes revendiquent chacun la destruction d'un appareil Japonais. Les chasseurs de la couverture haute engagement brièvement le combat avec des chasseurs Japonais venus à la rencontre de Yamamoto depuis la base de Kahili en guise de garde d'honneur. Le combat est furieux mais se solde sans victoire des deux côtés. Observant la colonne de fumée noire qui signe la réussite de la mission, Mitchell ordonne alors de rompre le combat afin de ne pas consommer inutilement le précieux carburant. Sur le chemin du retour, Holmes est obligé de se poser sur les iles Russells par manque de carburant. Le Lt. Hine (Navy Cross - Distinguished Flying Cross - Air Medal - Purple Heart) sera le seul pilote porté disparu au cours de la mission et son appareil ne sera jamais retrouvé. Son nom est inscrit sur le Manila American Cemetery . Il semblerait qu'il ait été la victime de l'Aspirant Kenji Yanagiya ou du PO1/c Shoichi Sugita, les 2 seuls pilotes Japonais à avoir revendiqué une victoire au cours de cette mission.
Alors qu'il approche d'Henderson Field, à Guadalcanal, Lanphier annonce à la radio "j'ai descendu Yamamoto", ce que constituait une infraction aux règles fixées en début de mission. Juste après l'atterrissage (un des moteur se coupa au roulage par manque de carburant), Lanphier réitère sa revendication concernant la destruction de l'appareil de Yamamoto, indiquant que lorsqu'il avait tourné pour faire face à l'escorte il avait tiré sur l'aile du bombardier et qu'il avait ensuite vu celui-ci s'écraser dans la jungle. Il déclare aussi qu'il a vu Barber tirer sur le second bombardier et que celui-ci s'était écrasé à son tour dans la jungle. De son côté, Holmes revendique la destruction du "Betty" tombé en mer, portant à trois les revendications sur des "Betty", alors qu'il n'y en avait que deux. Les quinzes pilotes survivants ne furent pas débriefés à la fin de la mission car une telle procédure formelle n'était pas en vigueur à l'époque à Guadalcanal. C'est ainsi que la version de Lanphier fut reprise sans que jamais personne, à l'époque, ne la remette véritablement en cause.
Les conséquences Le site du crash de l'appareil de Yamamoto fut découvert le lendemain dans la Jungle au Nord de la mission catholique de Buin par une patrouille conduite par le Lieutenant Hamasuna. Selon Hamasuna, Yamamoto avait été ejecté de l'appareil, sa main gantée de blanc posée sur son Katana et le corps assis sur le siège de pilote dans lequel il avait pris place au décollage. Hamasuna indiqua que Yamamoto était immédiatement identifiable. Un examen du corps de Yamamoto réalisé après son rapatriement sur Buin démontrera que Yamamoto avait reçu deux blessures ; une dans le dos au niveau de l'épaule droite et une au niveau de la machoire inférieure, la balle étant ressorti sous l'oeil. A partir de là, une contreverse naquit au Japon pour savoir si Yamamoto avait survécu au crash et s'il était mort des suites de ses blessures ou s'il avait été tué sur le coup. Au Japon, où la mort ne fut officiellement annoncée que le 21 mai, l'évènement fut cruellement ressenti par toute la population qui avait fait de Yamamoto un héros national après l'attaque de Pearl Harbor. Afin de ne pas dévoiler le fait que les Américains connaissaient le code Japonais, on fit circuler l'information selon laquelle les chasseurs US avaient été envoyés sur la base d'informations fournies par la population locale des Solomons qui avaient vu l'Amiral Yamamoto monter dans le bombardier le jour de sa visite d'inspection.
La controverse
Lanphier fut initialement crédité de la victoire sur Yamamoto, en accord avec ses déclarations du moment, mais les autres pilotes de la mission se montrèrent immédiatement septiques. Bien qu'elle fut l'une des opérations les plus brillamment menée de la deuxième guerre mondiale, cette interception devint rapidement la source d'une controverse autour de l'identité de l'auteur de la victoire sur Yamamoto et sur les fuites relatives à certains détails secrets de l'opération qui, en octobre 1943, firent l'objet d'une publication dans le Time Magazine dans un article où le nom de Lanphier était cité comme l'auteur de la victoire. Initialement pressenti pour recevoir la Médaille d'Honneur, Mitchell dut se contenter de la Navy Cross en raison des fuites dans la presse. Tous les pilotes furent aussi récompensé par l'attribution de la Navy Cross. Après guerre, il fut découvert qu'aucun des chasseurs de l'escorte n'avait été endommagé et encore moins abattu et Lanphier se vit refuser sa revendication pour un Zero abattu ce jour là. Des chasseurs ayant décollé dans l'intervalle depuis le terrain de Kahili afin d'escorter les deux bombardiers, les revendications de Barber et de Holmes sont en revanche confirmées (bien qu'ils aient déclarés avoir abattu des chasseurs de l'escorte !). L'analyse de la mission permet aussi de confirmer la présence de seulement deux "Betty" et de fait Lanphier et Barber se voient attribuer une victoire en collaboration. En 1985, les déclarations de Kenji Yanagiya viendront appuyer la thèse d'un tireur unique, en l'occurence Barber, mais l'Air Force refusera de revenir sur sa décision d'accorder une victoire conjointe aux deux pilotes. En mai 2006 dans AIR FORCE Magazine, Douglas
S. Canning, un ancien membre du 347th Fighter Group qui participa
à la mission contre Yamamoto (Canning escorta le Lt. Holmes vers
les iles Russells) et qui était ami à la fois de Lanphier
et de Barber, publia une lettre jamais parue dans laquelle Lanphier
affirmait être le vainqueur de Yamamoto tout en décrivant
les circonstances détaillées de sa victoire. L'analyse
de ce document montrerait qu'il était impossible de réaliser
les manoeuvres décrites par Lanphier en raison de l'absence d'assistance
des ailerons qui n'étaient pas installé sur les P-38G
et qui eurent été nécessaire pour accomplir un
virage à 180° dans les délais indiqués par
Lanphier. |
|
|
Groupe d'attaque - Leader - Déclare avoir abattu Yamamoto (voir controverse) | |
Barber Rex Theodore (Lt) |
Groupe d'attaque - Ailier - Vainqueur de Yamamoto (victoire officiellement attribuée en collaboration avec Lanphier) - P-38G "Miss Virginia" 43-2204. |
Moore Joseph (Lt) |
Groupe d'attaque - Abandon après décollage |
Mc Lanahan James (Lt) |
Groupe d'attaque - Accident au décollage |
Mitchell John William (Maj) |
Chef de l'opération Vengeance |
Réaffecté au Groupe d'attaque après décollage | |
Hine Raymond (Lt) |
Réaffecté au Groupe d'attaque après décollage - Tué en combat aérien par Kenji Yanagiya |
Ames Roger J (Cpt) |
|
Anglin Everett H (Cpt) |
|
Canning Douglas S (Cpt) |
|
Goerke Delton C (Cpt) |
|
Graebner Lawrence A (Cpt) |
|
Jacobson Julian (Cpt) |
|
Kittel Louis R (Mj) 4 vict |
|
Long Albert R (Lt) |
|
Smith William E (Lt) |
|
Stratton Elton E (Cpt) |
|
Whitaker Gordon (Lt) |
|
Pilotes et passagers
des bombardiers "Betty"
|
|
G4M1 Model 11 Betty Manufacture Number 2656 Tail T1-323
|
|
Pilot Warrant Officer Takeo Koyani |
|
Passenger Admiral Isoroku Yamamoto |
|
Passenger Cdr Ishizaki (C-in-C's Secretary) |
|
Passenger Cdr Toibana (Senior Air Staff Officer) |
|
Passenger Rear Admiral Kitamura (Fleet Financial Officer) |
|
Passenger Rear Admiral Takata (Fleet Medical Officer) |
|
G4M1 Model 11 Betty Manufacture Number ? Tail T1-326
|
|
Pilot FPO2/c Hiroshi Hayashi (survived) |
|
Commander FPO1/c Hiroaki Tanimura (KIA) |
|
Passenger Vice-Admiral Matome Ugaki (survived) |
|
Passenger ? (survived) |
|
Chasseurs d'Escorte
|
|
CPO Hatsuo Hidaka (11 victoires) (204e AG) Mort au combat en 1943 |
|
PO1/c Yasuji Okazaki (204e AG) Mort au combat en 1943 | |
PO2/c Kenji Yanagiya (8 victoires) (204e AG) Gravement blessé le 8 juin 1943 | |
Lt(jg) Tajeshi Morizaki (204e AG) Mort au combat en 1943 | |
PO1/c Toyomitsu Tsujinoe (204e AG) Mort au combat en 1943 | |
PO2/c Shoichi Sugita (204e AG) Tué au combat le 15 avril 1945 |
Sources
http://en.wikipedia.org/wiki/Death_of_Isoroku_Yamamoto
http://www.salute.co.uk/salutegames/yamamoto/Yamamoto.htm
http://ussslcca25.com/who-shot.htm
Lockheed P-38 "Lightning" - Alllain Pelletier - Editions France Ouest - 1983
Les chasseurs américains de la guerre du Pacifique - Bernard Millot
- DOCAVIA - Editions Larivière
P-38 Lightning Aces of the Pacific and CBI - John Stanaway - Editions Osprey
Imperial Japanese Navy Aces 1937 - 45 - Henry Sakaida - Editions Osprey