La bataille pour Suez débuta à la fin
de l'après-midi du 29 octobre, quand Israël enfonça
les positions égyptiennes du Sinaï en deux endroits. Vingt
minutes plus tard, seize Douglas C-47 et dix Meteor, passant la frontière
à assez basse altitude pour ne pas être détectés
par les radars, larguèrent mille six cents parachutistes au
débouché oriental de la passe de Mitla. La nouvelle
de l'offensive israélienne parvint à l'état-major
du Caire à 19 heures, des troupes égyptiennes franchissant
le canal en direction de Mitla moins d'une heure plus tard.
Le lendemain, un appareil non identifié attaqua
et abattit un Iliouchine I1-14 qui transportait une équipe
de journalistes entre Damas et Le Caire et dans lequel aurait dû
normalement se trouver le commandant en chef de l'armée égyptienne,
le maréchal Amer. Celui-ci ne dut la vie sauve qu'au fait de
s'être trouvé à bord d'un autre avion, qui atteignit
l'Égypte sans encombre. Au terme de cette seconde journée,
quatre Canberra de la Royal Air Force venus tester les réactions
de la défense aérienne adverse furent interceptés
par des MiG-15 qui parvinrent à endommager l'un d'eux. L'état-major
aérien britannique se montra si surpris par l'efficacité
de cette intervention qu'il décida de remettre à la
nuit les raids aériens, lesquels, normalement, auraient dû
avoir lieu de jour.
Dans l'intervalle, des Ouragan israéliens
avaient réussi à endommager à un point tel le
destroyer égyptien Ibrahim al-Awwal, venu bombarder Haïfa,
que le commandant de ce navire se trouva dans l'obligation de se rendre.
Presqu'au même moment, des MiG 15 de la force aérienne
égyptienne détruisaient six véhicules et un Piper
Cub près de la passe de Mitla et des Vampire, escortés
par d'autres MiG-15, s'en prenaient à des convois israéliens
quelque temps plus tard. Le premier combat aérien de cette
guerre eut lieu à la fin de l'après-midi du 30 octobre,
quand six MiG affrontèrent six Mystère : deux avions
égyptiens furent expédiés au sol tandis qu'un
appareil marqué de l'étoile de David regagnait sa base
sérieusement touché.
En dépit de la rapidité de l'attaque
israélienne, la force aérienne égyptienne avait
réussi à effectuer une cinquantaine de sorties, ce 30
octobre, la Heyl Ha'Avir en accomplissant de son côté
une centaine, dont quelques-unes, très meurtrières,
contre les troupes qui tenaient les débouchés ouest
de la passe de Mitla.
A 6 heures, le 31, Paris et Londres demandèrent
aux deux adversaires d'abandonner leurs positions sur les rives du
canal, que les Israéliens n'avaient encore même pas atteint.
Comme les responsables britanniques et français l'avaient prévu,
les Égyptiens refusèrent d'obtempérer, ouvrant
ainsi la voie à l'intervention des deux puissances occidentales.
A la tombée du jour, six Vampire égyptiens qui tentaient
de s'en prendre à des troupes israéliennes près
de Mitla furent accrochés par des Mystère et perdirent
deux des leurs. Enfin, un 11-28 lancé contre la base de Lod
ne parvint pas à l'atteindre et dut lâcher ses bombes
sur Ramat Rachel.
Pendant l'après-midi, les deux aviations.
qui n'avaient cessé d'intervenir dans la région de Mitla
en appui des unités terrestres, étaient soumises à
une rude tension. C'est ainsi que deux Ouragan dont la mission consistait
à détruire au sol un détachement d'avions de
la force aérienne égyptienne basé à Bir
Hama (tout près de Bir Gifgâfa ) furent coiffés
par des MiG-15 qui les endommagèrent (l'un d'entre eux fut
forcé d'atterrir en plein désert). Les Mystère
furent également engagés contre une colonne blindée
ennemie. qu'ils ne purent arrêter, un de ces appareils étant
même descendu par des Meteor.
C'est au nord, ce 31 octobre. que l'armée
israélienne essuya sa seule véritable défaite
de la campagne de 1956, quand les unités qu'elle envoya à
l'attaque d'Abou Ageila furent repoussées, subissant de grosses
pertes. La situation eût sans doute empiré si les chasseurs
bombardiers amis n'étaient intervenus en stoppant une formation
de chars qui tentait une opération de dégagement depuis
El-Arich. Les demandes d'appui aérien furent telles en cette
journée que les avions français basés en Israël
durent être jetés contre une unité égyptienne
qui, partie du canal, avançait vers Abou Ageila. Malgré
les pertes qu'elle avait essuyées du fait des tirs venus du
sol, la Heyl Ha'Avir enregistra, ce jour-là, beaucoup plus
de sorties que la force aérienne égyptienne.