PREMIERE TRAVERSEE FRENCAISE DE L'ATLANTIQUE
NORD
Deux ans après Lindbergh, Assollant,
Lefèvre et Lotti, accompagnés
d'un passager clandestin, réalisent sur l'« Oiseau-Canari
», la première traversée française de l'Atlantique
Nord .Old Orchard Beach, État du Maine, 13 juin 1929. Les 600
ch du moteur Hispano-Suiza 12 Lb ébranlent doucement le Bernard
191 « Grand Raid » jaune.
Lentement il prend de la vitesse, si lentement même que sa
queue met un temps infini à se soulever. En ligne de vol, il
ne décolle toujours pas, se ruant péniblement vers
la jetée qui limite 2 000 m de plage superbe. La foule attend
la collision et l'explosion de l'avion, bourré de carburant...
Mais, le Bernard s'élève lentement, juste de quoi contourner
l'obstacle, au ras de la mer. Il est 10 h 8, heure locale, soit 15
h 8 G.M.T.
A bord, le pilote Jean Assollant,
le navigateur René Lefèvre
et le radio et commanditaire du raid, Armand
Lotti, ne comprennent pas. Lors d'une première tentative,
le 20 mai, ils avaient décollé si aisément! Et
là, on avait frôlé la catastrophe avec moins d'essence
à bord et sans le canot de sauvetage et autres objets «
inutiles », éliminés avant le second départ.
L'avion grimpe centimètre par centimètre, queue basse,
comme déséquilibré. Tout s'arrange, lorsque,
soudain, surgissant des profondeurs du fuselage arrière, où
il compromettait très dangereusement le centrage de l'avion,
un jeune Américain de vingt-cinq ans, Arthur Schreiber, vient
calmement déclarer à Lotti : « 1 am here! »
II est là, ce passager clandestin; on ne peut revenir le déposer,
ni non plus le jeter par-dessus bord...
Le Bernard 191 GR Oiseau-Canari, qui allait faire la célébrité
de la firme en devenant le premier avion français à
traverser l'Atlantique. Ses 600 ch et ses 3 760 I de carburant lui
conféraient une vitesse de 240 km/h et un rayon d'action de
5 800 km. Lotti lui fait signer un papier. En cas de succès,
Schreiber, le premier passager sur l'Atlantique, ne pourra tirer aucun
avantage de sa situation. Deux heures après, l'Oiseau-Canari
n'est encore qu'à 700 m d'altitude, au-dessus du cap Sable;
encore une heure et demie et le moteur tourne soudain à vide,
le temps interminable de mettre en circuit un autre réservoir.
Déjà 600 litres de brûlés; il sera dur
d'arriver à Paris, et il faut rester pleins gaz, le Bernard
étant encore trop lourd en carburant. A 20 h G.M.T., le temps
se dégrade, du givre apparaît, alourdissant la machine;
l'équipage décide de prendre un cap au sud, où
les conditions météorologiques doivent être meilleures.
Non.
Onze heures durant, les quatre hommes vivent dans un enfer orageux,
pliant le Bernard aux caprices des vents. Mais il est solide ce monoplan
de transport pour douze passagers, dont les sièges ont fait
place à quatre réservoirs de carburant. Le point au
sextant révèle beaucoup de retard sur le plan de vol
et l'essence baisse. A 10 h 10 G.M.T., le goniomètre de
Horta, aux Açores, signale à l'avion qu'il passe sur
son méridien nord. Cap est mis sur Vigo, en Espagne. Vers 12
h G.M.T., descente sous la couche est amorcée pour vérifier
la dérive; le vent est plein arrière. C'est la détente.
Assollant et Lefèvre se dégourdissent les jambes, Lotti
pilote l'avion pendant une heure et demie.
A 17 heures, des bateaux de pêche sont survolés et,
trente-deux minutes plus tard, la côte est franchie au cap Finisterre,
plus au nord que prévu. Il y a vingt-six heures et quarante
minutes que l'appareil a décollé du sol américain.
L'Atlantique est vaincu, cette fois par des Français. A 19
heures, Oviedo est passé. Pas de piste pour s'y poser, ni à
Gijon, une heure plus tard. A 20 h 30, le soleil se couche. La fatigue,
l'essence au plus bas, la nuit arrivant vite font choisir à
Assollant une plage repérée à 20 h 40 pour se
poser. Elle est étroite entre mer et falaises, un ruisseau
la coupe. Calmement, le pilote fait toucher le sol à l'avion,
qui saute le ruisseau et finit sa course roues dans l'eau, une aile
au ras du rocher.
Au village proche de Cormillas, que gagne Lotti, c'est d'abord l'incrédulité,
ensuite la liesse, le centre du monde d'où part la nouvelle
enfin, avant que n'affluent les télégrammes de félicitations.
Après les agapes, le lendemain, on remet de l'eau, de l'huile,
car il n'en restait plus que dans le fond du carter, et 150 litres
d'essence. Le 16 enfin, l'équipage décolle pour Cazaux.
En fait d'arrivée triomphale, une panne d'essence contraint
à poser l'avion sur une plage landaise, près de Mimizan!
C'est quand même le triomphe en attendant le carburant pour
rallier Cazaux, puis, dans la soirée, Paris, où une
foule attend ainsi que les responsables de l'aéronautique,
prêts à encenser après avoir tout fait pour que
deux petits sergents et un aventurier sorti on ne sait d'où
ne puissent réaliser l'aventure de leur vie... Gérant
avec son père l'hôtel familial parisien, Armand
Lotti ne s'intéressa à l'aviation qu'en 1926
alors qu'un accident de chasse lui avait fait perdre un ceil, ce qui
lui interdisait en principe d'obtenir un quelconque brevet de pilote.
Il apprit néanmoins à piloter, en cachette de ses parents,
à l'école Blériot de Buc et passa ses brevets
de tourisme.
LA GLOIRE AU RENDEZ VOUS DE L'AVENTURE
A côté de l'hôtel, il y avait la boutique de son
ami Willoughby, un chapelier, où il rencontra Joseph Le Brix,
dont le projet était de traverser l'Atlantique d'est en ouest
sur un monomoteur Bernard que le célèbre parfumeur François
Coty avait promis de commanditer, la maison Hispano fournissant
le moteur. Coty se dérobant, Lotti
acheta secrètement l'avion avec ses économies et engagea
ses actions de l'hôtel; cela pour apprendre que Le Brix s'était
tourné vers Dewoitine, qui lui préparait un trimoteur.
Pas même dans le secret, le chapelier fut chargé de trouver
un autre pilote pour un commanditaire voulant garder l'anonymat. Il
trouva Jean Assollant, sergent-chef
au 34e régiment aérien d'observation
du Bourget, qui faisait parler de lui par ses croisières européennes
avec le colonel Weiss. Assollant recruta son ami d'escadrille, le
sergent René Lefèvre, comme
navigateur.
Dans la seconde quinzaine d'août 1928, ils réceptionnèrent
le Bernard 191, transformé « Grand Raid », et se
préparèrent sommairement, faute de gros moyens, notamment
par un tour de France. Le Bureau Veritas refusa de certifier l'avion,
le jugeant incapable de décoller à pleine charge. La
météo paraissant bonne, il décolla du Bourget
le 3 septembre avec Lotti, monté secrètement à
bord le moteur cala au décollage parce qu'un mécanicien
avait refermé par erreur le robinet d'essence (!) et tout s'acheva
par un magistral « cheval de bois » d'Assollant, qui ne
voulait pas périr en bout de piste...
Le 5, nouveau départ, mais via l'Afrique et l'Amérique
du Sud, les trois hommes ayant décidé de traverser
l'Atlantique Nord d'ouest en est. Hélas! le 6 au soir, voulant
redécoller de Casablanca, ils s'enlisèrent au roulage
dans une tranchée non balisée, ce qui provoqua
la rupture d'un longeron principal de fuselage.
De retour à Paris, Lotti eut
quelques explications avec son père, enfin au courant des «
folies » de son fils; Assollant
et Lefèvre, ayant pris des congés
sans solde pour jouer aux héros de l'Atlantique, furent sommés
de rejoindre leur unité. Assollant démissionna et entra
à la CIDNA comme pilote sur la ligne ParisStrasbourg-Berlin-Bucarest,
et Lefèvre fut engagé au bureau d'études des
Avions Bernard. Malgré certaines critiques, malgré l'interdiction
officielle des raids sur l'Atlantique, qui leur valut toutes les entraves
possibles, les trois hommes persistèrent dans leur projet grâce
à la bienveillance et à la complicité de quelques-uns.
Au printemps de 1929, le Bernard, réparé, fut «
kidnappé » à Orly par Assollant,
qui le convoya en vol jusqu'à Southampton, où il fut
instantanément démonté puis remorqué et
embarqué sur le Leviathan, un navire américain appareillant
pour les États-Unis. L'opération, très bien montée,
échappa aux réactions pourtant assez promptes du gouvernement
voulant faire saisir le Bernard. En Amérique, par contre, on
fit tout pour aider ces trois Français afin qu'ils réussissent
leur tentative; on leur monta même un horizon artificiel Reed
pour le pilotage sans visibilité, instrument qui les sauva
peut-être par la suite.
Aucun terrain new-yorkais ne convenant à leur envol, ils avaient
choisi Old Orchard Beach et y avaient attendu une météo
favorable. Le 10 mai fut le bon jour. Ils décollèrent
très aisément malgré leur charge mais durent
revenir aussitôt, l'Hispano se mettant en auto-allumage avec
l'essence américaine. Le motoriste Wright, ayant des Hispano
marins en stock, fit des essais et calcula la quantité idéale
de benzol à ajouter pour faire cesser le phénomène.
Après une nouvelle attente de conditions météo
correctes, les trois Français décollèrent donc
le 13 juin 1929, ignorant l'exploit supplémentaire qu'ils accomplissaient...
le transport du premier passager transatlantique et clandestin!
CAMPAGNE DE FRANCE
Il participe à la Campagne
de France avec le GC III/6 dès
le 1er novembre 1939. Il participe à 41 missions de guerre
et remporte 3 victoires aériennes. Lorsque l'armistice est
signé, il est démobilisé et reprend la direction
duService de l'Aéronautique civile et des lignes aériennes
malgaches. En février 1941, ouvre une ligne Tananarive-La Réunion
qui se fera ensuite tous les mois.
MADAGASCAR
Le raid nippon sur Ceylan et l'Inde inquiète Churchill. Que
les japonais prennent pied à Madagascar, et ils contrôleront
le canal du Mozambique, et la route du Cap, vitale, serait coupée.
Plus de soutient à la VIIIe armée et à la flotte
d'Alexandrie. Plus d'acheminement vers l'URSS par le Transiranien,
plus d'évacuation du pétrole du Golfe. De plus, l'anglais
a une confiance plus que limitée dans l'attitude des forces
vichystes en cas d'invasion nippone. Churchill est en droit de penser
que le précédent de l'Indochine se reproduirait. De
Gaulle a mesuré depuis longtemps tout l'intérêt
de Madagascar. Il a envisagé l'intervention d'une brigade française
pour y rétablir l'ordre de la France Libre. Londres, se souvenant
de Dakar, n'a pas donné suite. L'offensive nippon vers l'Inde
va accélerer le cours des événements. Churchill
décide d'occuper Diego Suarez, à la pointe septentrionale
de l'île. Si le marchéchal sud-africain Smuts promet
son concours, Roosevelt refuse de s'associer à ce coup de force,
espérant secrètement une attitude conciliatrice de Vichy.
Il a envoyé auprès de Pétain l'amiral Leahy comme
ambassadeur extraordinaire, et à Alger, le consul Murphy s'active.
Les américains ne seront donc pas de l'Opération Ironclad,
destinée à éliminer le risque d'implantation
de sous-marins japonais à Diego Surez. Diego Suarez assure
un mouillage qui en fait le meilleur port de l'océan indien.
La vaste baie pourrait loger "toutes les escadres du monde"
ne s'ouvre que par un étroit goulet. La France, dès
1895, a reconnu la valeur de l'endroit et elle a édifié
des installations portuaires et maritimes.
Au début de 1942, Madagascar vit en marge de la guerre, en
quasi autarcie. Le gouverneur général Annet, arrivé
en 1941, pérpétue les traditions coloniales et les troupes,
sous le commandement du général Guillemet, mènent
une vie morne de garnison. Exportations et importations ont cessé,
le riz indochinois n'arrive plus, il faut produire sur place.
Soucieux d'éviter un échec (Les anglais se souviennent
de Dakar ...), Churchill a prescrit d'utiliser de gros moyens. Le
cuirassé Ramillies sera accompagné de 2 porte-avions,
l'Indomitable et l'Illustrous, de plusieurs croiseurs, destroyers
et sous-marins, ainsi que la force de débarquement. La force
d'intervention dite Force 121 comprendra 3 brigades (13e, 17 et 29e),
un commando, des éléments d'appui, soit environ 30 000
hommes. L'aéronavale interviendra avec des Albacore, lancés
de 2 Porte-avions. L'ensemble est placé sous le commandement
de l'amiral Syfret.
Les français, en face, pour couvrir Diego et sa région,
n'alignent que 4 000 hommes. Un bataillon de tirailleurs sénégalais,
trois bataillons de tirailleurs malgaches. Le 5 mai, à 4h 30,
les 17 et 29e brigades débarquent dans les baies du Courrier
et d'Ambararatra. Elle constitue le premier débarquement d'importance
effectué par les britanniques. Les français ont été
surpris. Les quelques avions situés au camp Arrachart, à
10 km au sud, ont été détruits sur le terrain.
Les bâtiments au mouillage ont été coulés
par les attaques à la torpille. La défense française
est pourtant brave. Sommé par un ultimatum de ne pas s'opposer
au débarquement, le colonel Claerebout, répondit : "Sir,
la défense de Diego a été confiée à
mon honneur militaire. Diego sera donc défendu jusqu'au bout,
conformément aux traditions de l'armée, de la marine
et de l'aviation françaises"!
Dans le ciel, les rares Morane 406 et Potez 63 venus de Tananarive
ont tenté l'impossible. Le capitaine Jean
Assolant, un des grands noms de l'aviation française, est
tombé un des premiers. Pour forcer la décision, le destroyer
Anthony tente, dans la nuit du 7, un coup d'audace. Il arrive à
s'infilter dans la rade pour débarquer un petit détachement
de 60 hommes qui prendront à revers les français. Au
matin du 7, les anglais sont maîtres de Diego. L'affaire leur
a coûté 109 morts et 284 blessés. Les français
ont eu près de 200 morts et 500 blessés.
Au moment de saa disparition, le Capitaine Assollant
avait 7288 heures de vol.