VIETNAM - DENOUEMENT TRAGIQUE ciel de gloire - histoire des as de l\'aviation de 1914 à nos jours



 


 

 



DENOUEMENT TRAGIQUE

 

 


Leur liberté d'action limitée par Washington, en butte à l'hostilité de l'opinionpublique aux États-Unis même, les forces américaines engagées au Viêt-nam furent progressivement restreintes. Mais les Sud-Vietnamiens n'avaient ni lacapacité ni la volonté d'assurer leur propre défense.

Tragiquement, les Américains et leurs alliés commirent, dès le début du conflit, de très graves erreurs. N'importe quel haut responsable militaire estimerait judicieux qu'une armée s'apprêtant à mener une guerre, surtout une guerre de guérilla, mette au préalable toutes les chances de son côté, puis, une fois les combats commencés, utilise tous les moyens dont elle dispose. Les forces américaines engagées au Viêt-nam commencèrent par commettre faute sur faute, puis combattirent en n'employant qu'une partie des moyens à leur disposition et en se conformant aux complexes règles qui leur étaient imposées par Washington, et qui, bien souvent, limitèrent de manière considérable l'efficacité de leurs initiatives sur le théâtre d'opérations. Nulle part ailleurs que dans les airs ce facteur n'apparut avec plus d'évidence. En effet, les armes utilisées étaient totalement inadaptées aux conditions particulières du conflit vietnamien : des avions à réaction dotés de multiples dispositifs électroniques, pouvant atteindre la vitesse de Mach 2, ne constituaient pas ni ne constitueront jamais le meilleur moyen pour neutraliser un paysan dissimulé derrière un arbre, une lance de bambou à la main et passé maître dans l'art du camouflage.

 

Le 29 juillet 1967, l'explosion accidentelle d'une roquette sur le pont de l'USS Forestal provoque la mort de 134 hommes et la destruction de 21 appareils


Armes de précision

Le haut commandement américain rendit publics des chiffres peu encourageants quand il dut révéler certains des résultats statistiques des attaques contre le Nord Viêt-nam pour l'année 1967. Les pertes totales infligées à l'économie nord-vietnamienne étaient évaluées à 130 millions de dollars, probablement une énorme surestimation ; 122 960 missions ayant été nécessaires pour parvenir à ce résultat, chacune d'entre elles, selon les statistiques américaines, avait « rapporté » 1057 dollars. Mais le coût en essence, pièces de rechange et matériel divers (munitions exclues) de chaque mission atteignait en moyenne 8 400 dollars, sans compter les très lourdes pertes en vies humaines. De toute évidence, le nombre des sorties exigées pour détruire des cibles de faible importance pouvait être réduit par l'utilisation d'armes de précision et de dispositifs de lancement ultra-perfectionnés.


 

Un pilote de F-111 se vit un jour poser cette question :« Disposez-vous de bombes intelligentes ? » La réponse fut immédiate : « Non, mais nous avons des avions intelligents. » Le F-111 était le seul avion en service au Viêt-nam qui pouvait se passer d'armes « intelligentes ». Dans ce contexte, « intelligent » est un qualificatif servant à désigner un missile ou une bombe guidés, par opposition aux bombes de type classique. Des armes « intelligentes » existaient bien avant l'intervention des forces aériennes américaines au Viêt-nam, notamment le Bullpup, mis au point pour le compte de l'US Navy au début des années cinquante. Initialement, il s'agissait d'une bombe de 113 kg dotée d'un récepteur radio et d'un dispositif commandant les mouvements de quatre ailerons autour du nez ; un opérateur, placé dans l'avion de lancement, fixait le signal lumineux apparaissant sur la queue de l'engin et s'efforçait de le maintenir exactement dans l'axe de la cible en le « pilotant » à l'aide d'un petit appareil de téléguidage qui comportait un levier miniature.

 

 

Le guidage laser

Les nombreux missiles à longue portée dont étaient équipées les forces américaines ne furent jamais mis en oeuvre au Viêt-nam. Pour des raisons d'ordre politique, Washington avait banni l'utilisation d'armes aussi sophistiquées en Asie du Sud-Est. En revanche, la guerre du Viêt-nam vit le premier emploi massif du type d'engin pour lequel le qualificatif d'« intelligent » avait été forgé : il s'agit de la bombe à guidage laser, ou LGB. La plupart des LGB, notamment celles, très employées au Viêt-nam, du programme Paveway, étaient des bombes classiques, de grandes dimensions, auxquelles avait été ajouté un dispositif de guidage. Un petit récepteur laser monté sur le nez guidait automatiquement la bombe sur le faisceau émis par l'illuminateur. Ce faisceau, réfléchi par l'objectif, pouvait provenir d'un laser ami au sol, mais était habituellement produit par un laser embarqué sur l'avion attaquant ou sur un avion d'appui volant à proximité. La précision des LGB était stupéfiante. A condition que la cible restât illuminée par le faisceau du laser, la bombe ne pouvait pas manquer de la toucher de plein fouet.

 


L'extension du conflit

C'est en grande partie par le port de Haiphong que transitaient les énormes quantités de matériel de guerre acheminées par bateau à l'intérieur du Nord Viêt-nam ; Washington n'autorisa qu'en 1967 le minage de ses abords. La première mission de minage fut effectuée le 26 février 1967 par sept A-6 du VA-35 de l'US Navy, opérant à partir du porte-avions USS Enterprise, mais aucune mine ne pouvait être mouillée dans les bassins d'eau profonde du port (seules les bouches des différents bras du delta du fleuve Rouge devaient être obstruées). Par la suite, d'autres voies d'eau furent minées, mais le minage du port de Haiphong fut interdit jusqu'au 8 mai 1972, date à laquelle il fut ordonné par le président des États-Unis luimême. A cette époque, les forces aériennes américaines, après avoir été bridées pendant une décennie, pouvaient enfin espérer remporter une guerre jusque-là sans espoir en entreprenant des actions décisives. Leurs initiatives eurent pour effet d'amener les Nord-Vietnamiens à la table des négociations, mais, en contrepartie, les Américains s'engagèrent à retirer les mines qu'ils avaient mouillées dans le port de Haiphong et le delta du fleuve Rouge.

 


L'un des éléments tragiques à plus d'un titre du conflit fut l'usage que fit le Viêtcong du Cambodge, un des quatre pays issus de la partition de l'ancienne Indochine, situé à l'ouest du Sud Viêt-nam. De larges secteurs du nord-est du Cambodge, pourtant pays neutre, devinrent des sanctuaires pour les forces viêt-cong attaquant le Sud Viêt-nam, et l'une des premières mesures du président Nixon, au lendemain de son élection en novembre 1969, fut d'envoyer les B-52 bombarder le Cambodge. Ces missions furent effectuées de manière clandestine, les unités impliquées ayant reçu l'ordre de fournir des documents faux (elles devaient falsifier jusqu'aux journaux de bord des équipages, acte qui contrariait les participants et exposait théoriquement chacun d'entre eux à un jugement en cour martiale). Ces bombardements aveugles donnant peu de résultats, les Américains lancèrent des raids tactiques en territoire cambodgien, puis leurs forces terrestres, appuyées par des unités aériennes, pénétrèrent à l'intérieur du pays. D'une manière prévisible, cette initiative provoqua la chute-du gouvernement neutre du prince Sihanouk et la propagation de la guerre au Cambodge même.

 


Vietnamisation

L'extension du conflit n'avait pas été souhaitée par les États-Unis ; dans les derniers mois de son mandat, le président Johnson s'était efforcé de trouver une solution conduisant à terme au désengagement des forces américaines, qu'elles fussent victorieuses ou vaincues. Nixon, son successeur à la Maison-Blanche, ne s'était pas engagé à poursuivre la guerre coûte que coûte ; il devait même, en partie, son élection à sa promesse de rapatrier progressivement les soldats américains. Son projet consistait à remplacer les forces américaines par des unités sud-vietnamiennes formées sur place et équipées presque exclusivement de matériel américain. Cette nouvelle politique avait un nom : « vietnamisation ».

 

 

Les principaux types d'avions attribués aux jeunes forces aériennes sud-vietnamiennes furent le Cessna O-1 Bird Dog, le Cessna A-37 Dragonfly, le Douglas A-1 Skyraider, le Douglas C-47, le Lockheed C-130 Hercules, le Fairchild C-123 Provider, le DH Canada Caribou, le Bell UH-1 Iroquois et, seul avion à réaction, le Northrop F-5 Freedom Fighter. D'importants centres d'entraînement furent créés afin d'apprendre aux forces sud-vietnamiennes à se servir des tonnes de matériel qui leur parvenaient ; mais la tâche se révéla quasi impossible, les Sud-Vietnamiens ayant la fâcheuse tendance à considérer la formation comme sans grande importance. Au sein des forces sud-vietnamiennes, ni la valeur ni l'expérience n'entraient en ligne de compte ; seuls importaient les liens de famille ou les relations avec des personnages haut placés à même de « tirer les ficelles ». Les instructeurs furent très souvent des officiers relevés d'autres fonctions pour incompétence ou corruption, et toutes les tentatives pour inculquer aux hommes une certaine combativité ou une aptitude au commandement échouèrent.

 


Dès 1971, devant l'impossibilité de mettre sur pied une armée de l'air sud-vietnamienne efficace, Washington dut se résoudre à prolonger la présence en Asie du Sud-Est des forces aériennes américaines ainsi que de 40 000 soldats américains afin d'assurer la défense du Sud Viêt-nam. Après qu'un cessez-le-feu eut finalement été signé le 27 janvier 1973, au lendemain des derniers grands raids de B-52 contre des objectifs situés en territoire nord-vietnamien, l'engagement américain se réduisit surtout à une aide financière et matérielle. Mais à Washington, au Congrès, les opposants à la guerre, feignant d'ignorer que les armées nord-vietnamiennes s'apprêtaient à lancer une offensive de grande envergure contre le Sud Viêt-nam, furent assez nombreux pour voter, en 1974, l'amputation du programme d'aide.

 

Pilotes vietnamiens en cours de formation


Le dénouement survint avec une rapidité étonnante. Hanoi avait projeté de lancer des attaques de grande ampleur sur l'ensemble du territoire sud-vietnamien en 1975, afin de déclencher un soulèvement général coïncidant avec l'offensive finale des forces armées nord-vietnamiennes prévue pour 1976. Le premier assaut eut lieu dans la nuit du 10 au 11 mars 1975 ; peu après minuit, les blindés du général Dung s'ébranlaient vers l'est, à partir de la frontière cambodgienne, en direction de Ban Mê Thuôt, ville située au centre du Sud Viêt-nam. Devant la rapidité et la puissance de ce coup de boutoir, les défenses s'effritèrent en quelques heures. Peu après, le régime sud-vietnamien commençait à s'effondrer. Les deux bastions géants de Pleiku et Dà Nang - quelques années plus tôt, les bases aériennes tactiques les plus actives du monde - tombèrent bientôt, après avoir été le siège de scènes de panique effroyables (des milliers de militaires et de civils se battirent pour fuir en avion, en jeep ou en bateau).

 

 

F-5 Squadron 530 de la VNAF

 

 


Scènes de panique

Le pire était encore à venir. Bien que sur le papier les forces du Sud Viêt-nam fussent considérablement plus puissantes que celles du Nord, des milliers de soldats décidèrent que leur salut importait plus que la victoire sur l'ennemi. A Huê et Dà Nang, environ 105 000 défenseurs n'opposèrent pas la moindre résistance aux assaillants. Depuis 1973, le moral des forces de Saigon n'avait jamais été bien haut, et, pour expliquer la rapidité de leur défaite face à l'offensive finale des Nord-Vietnamiens, les Sud-Vietnamiens alléguèrent après coup qu'ils avaient été abandonnés, le Congrès américain ayant refusé de voter en catastrophe un accroissement mas5 de l'aide ou de la présence américaine. Alo que l'on débattait encore à Washington di mesures à prendre, le 3 avril 1975, commandant d'un DC-8 de la World Airwa, prenait personnellement la décision de tran porter de Saigon aux États-Unis plusieurs d zaines d'enfants orphelins destinés à êti adoptés par des familles américaines. I même jour, le président Ford annonçait enfi sa volonté d'assurer l'évacuation par air d plus grand nombre possible de réfugiés.

 


La chute de Saigon

Vers la fin du mois d'avril, l'évacuation e bon ordre des enfants et de civils triés sur 1 volet dégénéra en une véritable déroute lor: que des milliers de Sud-Vietnamiens d toutes conditions - au premier rang de, quels des membres des forces armées - vou lurent fuir par tous les moyens leur pays, i la date du 27 avril, seuls des hélicoptère pouvaient encore se poser à Saigon ; tandi que les forces nord-vietnamiennes ne ces saient de se rapprocher de la capitale, le UH-1, H-53 et CH-46 prenant part à l'ultim, opération Frequent Wind firent la navett, entre Tan Son Nhut - puis le toit de l'am bassade des États-Unis - et des navire; américains ancrés en pleine mer. Dans le; dernières dix-huit heures, en dépit de l'anar chie qui régnait dans les rues, les hélicop. tères évacuèrent 1 373 civils américains, el 6 422 Sud-Vietnamiens. Quand les hélicoptères se posaient sur les bateaux, ils étaient frénétiquement déchargés, puis, dans les derniers temps, jetés par-dessus bord dans la mer afin que d'autres appareils aient la plac d'atterrir. Les ponts des porte-avions furenl le siège d'un trafic anarchique, des avion: militaires sud-vietnamiens qui fuyaienl l'avance adverse s'y posant à l'improviste souvent avec le pilote pour seul passager. Le dernier hélicoptère quitta le toit de l'ambas sade des États-Unis à l'aube du 30 avril 1975.

 

 

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