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MISSIONS D'APPUI
Au premier rang des missions d'appui effectuées par les forces
aériennes américaines pendant la guerre du Viêt-nam
figuraient celles du pont aérien transpacifique. Les distances
en jeu étaient considérables (une différence
de longitude d'environ 140°). Décollant de Californie,
les avions devaient parcourir sans escale une étape de 4 665
km jusqu'à Hawaii, puis, tout au long de la traversée
de l'océan Pacifique, effectuer des atterrissages précis
sur des petites îles ; pour les plus longs trajets, ils avaient
parfois besoin d'être ravitaillés en vol par les Boeing
KC-135 du Strategic Air Command, et ce, dans toutes les conditions
atmosphériques.
Au début de l'engagement américain en Asie du Sud-Est, le Military Airlift Command (MAC) de l'US Air Force, qui avait remplacé l'Air Force/Navy. Military Air Transport Service, ne disposait pas d'avions modernes de transport à longue distance en nombre suffisant. Certaines des premières missions de ravitaillement furent effectuées par des C-124 Globemaster à moteurs à piston, qui mettaient de quatre à six jours pour faire l'aller et retour. Le C133 Cargomaster, capable de convoyer dans les meilleurs délais les charges les plus lourdes ou les plus volumineuses, était près de deux fois plus rapide qu'un C-124; mais ce n'était pas non plus un avion à réaction, et il était prévu qu'il passerait sous peu à la réforme. L'appareil auquel incombèrent ensuite les missions d'aérotransport stratégique fut le Lockheed C-141 StarLifter, une remarquable machine adoptée par le MAC dès avril 1965. Bientôt, 280 de ces avions équipèrent les unités du MAC, transportant jusqu'à 36,3 t à la. vitesse d'un appareil à réaction et dans les meilleures conditions. Le C-141 assura rapidement la quasi-totalité des transports d'est en ouest, et la totalité des transports d'ouest en est. Dans ce dernier cas, il s'agissait, la plupart du temps, de rapatrier des blessés : chaque citoyen américain blessé au Viêt-nam était ramené aux États-Unis par des C-141 pilotés avec un plus grand souci du confort des passagers que ne le sont les avions de ligne en temps normal (par exemple, les pilotes veillaient à ce qu'aucune secousse n'agite l'avion à l'atterrissage et évitaient même d'inverser les réacteurs quand ils le pouvaient).
Quelques années plus tard, le Military Airlift Command devait se doter d'avions de plus grandes dimensions, les C-5A Galaxy, conçus de manière spécifique pour des missions d'aérotransport stratégique. Quatre vingt et un de ces monstrueux appareils furent pris en compte entre 1969 et 1973 ; à cette date, ils assuraient, en dépit de leur nombre restreint, plus de la moitié du trafic entre les États-Unis et les bases américaines en Asie du Sud-Est. Dans la première moitié de l'année 1972, la quasi-totalité des C-5A opérationnels du MAC prenaient part au pont aérien transpacifique. Pendant l'évacuation finale, en avril 1975, un C-5A s'écrasa au sol (une porte arrière, mal fermée, s'ouvrit brusquement en plein vol, sectionnant les vérins de la queue) ; 155 des 262 passagers périrent dans la catastrophe. Ce fut l'unique accident d'un avion de transport stratégique pendant la guerre du Viêt-nam.
En Asie du Sud-Est, sur le théâtre d'opérations,
l'appareil de transport le plus important fut sans conteste le C-130
Hercules. Plusieurs centaines de ces engins furent utilisés
pour les principales missions d'aérotransport non dévolues
aux hélicoptères ; en de rares occasions (à Khe
Sanh notamment), ils ne participèrent pas aux opérations,
le terrain d'atterrissage n'offrant pas assez de solidité ou
étant trop court et parsemé de cratères de bombes.
Les versions du C-130 furent nombreuses : AC-130 Spectre, DC-130 de
largage et de guidage de missiles télécommandés,
HC-130 de recherche et de sauvetage, KC-130 de ravitaillement en vol
du Marine Corps, enfin, WC-130, utilisés par les services météorologiques.
Les KC-130 furent parfois appelés à fournir un appui
direct à des hélicoptères engagés dans
des combats terrestres, au risque d'être atteints par les tirs
de l'artillerie ennemie, tandis que les HC-130 pouvaient être
équipés de dispositifs spéciaux, capables de
récupérer des personnes ou même des objets au
sol. A l'inverse, les avions de transport classiques C-130 étant
trop vulnérables aux dangers que recelaient les zones de combat
(terrains d'atterrissage parsemés de cratères de bombes,
tirs de mitrailleuse ou de mortier ennemis), des méthodes furent
mises au point pour délivrer le chargement sans que l'avion
ait à atterrir, ce qui permit de diminuer les pertes.
Des avions ravitailleurs
omniprésents Second avion de transport tactique après le C-130, le Fairchild
C-123 Provider assura la totalité du ravitaillement de la base
assiégée de Khe Sanh et d'autres points d'appui dépourvus
de terrains d'atterrissage adaptés aux C-130. Le C-123 fut
la plate-forme d'épandage de produits défoliants des
forces aériennes américaines et servit aussi au transport
de parachutistes. Dans l'un et l'autre cas, il pouvait être
doté de fusées d'appoint sous voilure. Le Boeing C-135,
l'un des avions de transport équipant les forces armées
américaines les plus fiables, fut utilisé en Asie du
Sud-Est principalement dans sa version de ravitaillement en vol KC-135.
Employés en grand nombre (732 furent construits), les KC-135
servirent notamment d'appareils de soutien au Stategic Air Command.
Presque tous les ravitaillements en vol des avions de l'US Air Force
opérant au Viêt-nam et dans les pays voisins furent assurés
par des KC-135. D'autres avions de ce type, les HC et KG 130, furent mis en oeuvre presque exclusivement pour ravitailler les hélicoptères. Ils faisaient partie du groupe d'appareils chargés de procéder au sauvetage des équipages dont l'avion avait été abattu ; leurs propres équipages déployèrent des trésors d'adresse et accomplirent parfois de véritables exploits sous le feu nourri de l'ennemi - quand ils ne rejoignaient pas au sol ceux qu'ils étaient censés sauver ! Les équipes de récupération subirent de lourdes pertes, leur travail les obligeant à voler à très basse altitude pendant plusieurs heures, souvent à portée de l'artillerie des forces ennemies. Au début, divers hélicoptères furent utilisés pour des missions de sauvetage, notamment les Kaman HH-43 Huskie, dans leurs versions B et F. Ces derniers furent aussi employés pour lutter contre les incendies sur les bases de l'US Air' Force; dans ce cas, ils étaient munis d'un réservoir extérieur rempli de produits chimiques (l'un d'eux fut détruit un jour quand le chargement de bombes d'un B-52D explosa quelques minutes après que l'avion, dont un moteur avait pris feu, eut interrompu son décollage). Les entreprises de sauvetage étaient si difficiles et demandaient une telle rapidité d'intervention qu'en 1967 des hélicoptères spécialement équipés et encore plus fiables - le HH-3E, puis le HH-53 - furent mis à l'étude. Ces deux types devaient être utilisés au Viêt-nam.
Dérivé de l'hélicoptère à double turbine S61R, le HH-3E était pourvu de plaques de blindage, d'un treuil de haute capacité, d'une perche de ravitaillement en vol, escamotable, de deux réservoirs de carburant externes, largables, d'une contenance de 1705 1 et de divers types d'armes défensives montées sur affût ; un train d'atterrissage tricycle, des surfaces stabilisatrices et une rampe de déchargement arrière de la largeur de l'appareil le distinguaient du Sea King, plus répandu. Si la plupart étaient des modèles originaux, une cinquantaine d'entre eux n'étaient que des hélicoptères de transport CH-3 transformés. Engagés au Viêt-nam à partir de la fin de l'année 1968, ces appareils très fiables jouirent rapidement d'une grande réputation. En service dans l'US Navy, des SH-3 Sea King modifiés, dotés de réservoirs auxiliaires, de plaques de blindage et de mitrailleuses défensives Minigun, remplissaient les mêmes fonctions qu'eux. Les HH-3E effectuèrent parfois de périlleuses missions loin à l'intérieur du Nord Viêt-nam à seule fin de secourir des pilotes d'avions d'attaque abattus dont on savait qu'ils étaient encore en vie ; ils étaient alors escortés par des A-1H choisis pour leur grande autonomie de vol à basse altitude et à faible vitesse et pour leur important armement. La plupart des équipes de sauvetage opérèrent à partir des bases thaïlandaises, appuyées par un HC-130P (la plate-forme de commandement) ou des avions ravitailleurs KC-130, et c'est en partie pour disposer d'appareils bénéficiant d'un plus long rayon d'action et d'une charge utile plus importante que les HH-53B et les C Super Jolly furent mis au point et entrèrent Oubliés dans maintes rétrospectives sur les forces aériennes dans la guerre du Viêt-nam, les hydravions, dans les régions côtières, rendirent de grands services. L'un d'eux, le Grumman HU-16 Albatross, était aussi un appareil de sauvetage ; devant être réformé au milieu des années soixante, il fut néanmoins très utilisé au Sud Viêt-nam, notamment pour le compte de l'US Air Force, dans des tâches de sauvetage en mer et de transport. Un autre type méconnu est l'hydravion SP-5 Marlin de l'US Navy, l'un des plus grands bimoteurs engagés au Viêt-nam. Conçu au départ pour effectuer des missions de lutte anti-sous-marine et de reconnaissance en haute mer, le Marlin fut surtout mis en oeuvre pour maintenir le blocus des côtes sud-vietnamiennes afin de prévenir toute infiltration par mer. Opérant à partir de navires auxiliaires ancrés en pleine mer, les Marlin défendaient l'ensemble du littoral, du 17e parallèle à l'île du Phû Quôc au large du Cambodge méridional. Quand les Américains disposèrent d'un plus grand nombre de bases aériennes, ils furent relevés par des avions basés à terre, notamment les P-2 Neptune et les P-3 Orion, de conception beaucoup plus récente, mus par quatre_ turbopropulseurs. Les Orion arrivèrent en Asie dès la fin de l'année 1965, couvrant le littoral sud-vietnamien jusqu'à la zone démilitarisée, au 17, parallèle.
Parmi les appareils d'appui de l'US Navy et du Marine Corps figuraient
divers types d'hélicoptères qui remplissaient chacun
un rôle spécifique. Avec le SH-3 Sea King, de plus grandes
dimensions, le Kaman SH-2 Seasprite servait à bord des porte-avions
comme appareil de servitude ; ses fonctions consistaient, entre autres,
à se tenir à proximité du porte-avions, prêt
à recueillir les équipages d'avions tombés en
mer. Une version spéciale du H-53 Stallion, l'hélicoptère
de déminage RH-53D, avait pour mission de nettoyer les champs
de mines et, si nécessaire, de les faire exploser à
l'aide de ses deux mitrailleuses de 12,7 mm. D'autres RH-53D combattaient
en première ligne ; des moteurs plus puissants (4 380 ch ou
3 267 kW) ainsi que des plaques de blindage, des armes et des équipements
de bord supplémentaires les différenciaient des Sea
Stallion. En termes d'heures de vol, certains des appareils les plus usités
au Viêt-nam furent des appareils d'entraînement, convertis
en avions d'attaque légers, tels que le T-28 et le A-37, dont
l'emploi fut favorisé par le développement, financé
par les Etats-Unis, de l'armée de l'air sud-vietnamienne. Cette
dernière disposait de près de sept cents avions en 1970,
date à laquelle Washington, appliquant sa politique de «
vietnamisation », tentait déjà de substituer aux
troupes américaines des forces armées locales. Les principaux
avions d'appui tactique étaient le T-28 Trojan et le A-37B
Dragonfly à réaction, ainsi que les C-47 et AC-47, 0-1
Bird Dog, A1 Skyraider, C-119 Boxcar et quelques avions d'interception
supersoniques Northrop F-5.
Le C-47 au combat La mention du C-47, oblige à revenir sur les multiples fonctions remplies par ces avions de transport, vieillis, pendant la guerre du Viêt-nam. Ceux-ci effectuèrent plus de 20 000 missions de transport et probablement un nombre équivalent de sorties d'appui-feu en tant que AC-47 gunship ; il existait aussi plusieurs autres versions, dont certaines avaient été mises au point de manière hâtive, pour répondre aux besoins spécifiques de la lutte antiguérilla en Asie du Sud-Est. Portant la désignation générique de EC-47, quatre types différents de C-47, équipés d'appareils de reconnaissance électroniques, furent utilisés par les Tactical Electronic Warfare Squadrons (TEWS). Certains d'entre eux effectuèrent surtout des missions d'écoute, en particulier le long des pistes Hô Chi Minh et Sihanouk en territoires laotien et thaïlandais, tandis que le EC-47Q transportait une masse de matériel électronique si considérable qu'il dut être doté de moteurs R-2000, employés jusque-là seulement par le DC-4. D'autres C-47, dépourvus en temps normal de préfixe de désignation correspondant à une transformation et à des fonctions spéciales, furent mis en ceuvre en tant qu'avions de guerre psychologique ; ils étaient alors pourvus de puissants haut-parleurs à l'aide desquels étaient diffusés des messages destinés aux populations au sol. Avec la campagne Hearts and Minds, les forces américaines et sud-vietnamiennes cherchèrent - sans succès - à gagner à leur cause l'ensemble de la population par des moyens psychologiques. Les principales missions de guerre psychologique consistèrent à diffuser des messages enregistrés et à larguer des tracts au-dessus des zones tenues par la guérilla viêt-cong ou les troupes nord-vietnamiennes.
Pour cette tâche, l'emploi d'avions de grandes dimensions n'était
pas nécessaire, et certains appareils légers furent
donc utilisés, car ils présentaient l'avantage non négligeable
d'être moins bruyants. Des Cessna O-2B, des Fairchild AU-23A
et des Helio U-10 accomplirent également des missions de guerre
psychologique au Sud Viêt-nam. Ces conversions militaires d'avions
civils étaient par définition peu coûteuses ;
un de leurs principaux atouts était leur capacité à
opérer à partir de pistes très courtes. Le O-2B
était un dérivé du O-2A, lui-même consistant
en un Cessna 337 Skymaster doté de moteurs disposés
en tandem et dans lequel prenait place, outre le commandant de l'avion,
un navigateur copilote. Tandis que le O-2A remplaçait le O-lE
dans le rôle de principale machine de contrôle aérien
avancé, le O-2B transportait des appareils de guerre psychologique,
volumineux pour un engin d'aussi petites dimensions : trois haut-parleurs
de 600 W et un distributeur de tracts manuel. Le 0-2A fut adopté
par l'US Air Force en 1967 ; cinq cent dix O-2A et O-2B étaient
en service en décembre 1970. Le AU-23A, version de l'Armed
Porter, était un appareil de plus vastes proportions, équipé
d'un turbopropulseur de 650 eh et transportant un important armement
(fusées, bombes, canons, etc.) ainsi que du matériel
de guerre psychologique. L'US Air Force en utilisa quinze au Viêt-nam
; treize d'entre eux furent ensuite cédés à l'armée
de l'air thaïlandaise, qui en acheta vingt de son côté.
Le Helio U-10 et le U-l0B Super Courier, appareils disposant d'exceptionnelles
capacités d'ADAC, furent employés en grand nombre pour
des tâches de types divers (notamment de guerre psychologique).
Des missions de parachutage d'agents secrets et de troupes figuraient
parmi leurs fonctions ; ils firent preuve d'une telle efficacité
que l'US Air Force acquit un appareil à turbopropulseur encore
plus puissant, le AU-24A Stallion, doté de divers moyens efficaces
de lutte antiguérilla, notamment des canons et des charges
extérieures fixées sur des points d'attache pouvant
supporter chacun jusqu'à 227 kg. Après avoir servi au
Viêt-nam, un squadron de quatorze AU-24A fut cédé
aux forces armées cambodgiennes ; plusieurs d'entre eux furent
utilisés par la suite dans la guerre contre le Viêtnam.
Le A-10 arrive trop tard L'avion de lutte antiguérilla par excellence, qui bénéficiait de toutes les leçons du conflit vietnamien, fut le Fairchild A-10A, conçu initialement, il est vrai, pour prendre part à des conflits plus importants ; mais il fut achevé trop tard pour être lancé dans la guerre. Il faut noter que pendant la plus grande partie du conflit, le Nord Viêt-nam employa très peu de véhicules blindés, et la colossale puissance de feu américaine fut surtout dirigée contre des cibles non blindées. Là où des blockhaus ou des fortifications devaient être attaqués, les armes les plus souvent mises en oeuvre furent des bombes ou des fusées classiques. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, ce ne furent pas des B-52 qui larguèrent le plus de grosses bombes au Viêt-nam, mais des avions de transport C-130; leur technique consistait à pratiquer dans une forêt, à l'aide de projectiles d'une puissance exceptionnelle, de vastes zones pouvant servir d'aires d'atterrissage pour des hélicoptères : défrichage massif réalisé jusque-là à la tronçonneuse ! Des bombes à haute puissance explosive spéciales, pesant 6 800 kg et dotées d'une fusée déclenchant l'explosion au-dessus du sol, furent fabriquées. De tels engins pouvaient abattre des arbres dans un rayon d'environ 30 m. L'avion porteur fut souvent un HC-130P qui remplissait aussi les fonctions d'avion ravitailleur pour les hélicoptères de sauvetage.
Sources : Encyclopédie de l'Aviation Editions Atlas
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